Mardi 21 juillet 2020 : tous et toutes en grève / Rassemblement à Paris à 12h30 devant la DRH (14, avenue Duquesne Paris VIIe) en soutien à Anthony convoqué en conseil de discipline

Le ministère du travail a décidé de poursuivre son action folle de répression et d’acharnement à l’encontre de notre collègue, Anthony Smith, inspecteur du travail de la Marne, en le convoquant, après deux mois et demi de suspension, devant la commission administrative paritaire qui se réunira en formation disciplinaire le mardi 21 juillet prochain.

Pour rappel, notre collègue inspecteur du travail est mis à pied après avoir tenté d’obtenir d’une association d’aide à domicile qu’elle fournisse notamment, au plus fort de la crise sanitaire, des masques de protection à ses salariées. Jugeant cette demande trop contraignante, l’employeur et le président du conseil général de la Marne ont demandé, respectivement, à la responsable de l’unité départementale de la Marne, et à la ministre Pénicaud, de mettre notre collègue sur la touche. La hiérarchie, plutôt que de protéger son agent face à ce qui s’apparente à une pression extérieure indue, s’est exécutée, avec l’appui de la directrice régionale et de l’encadrement supérieur du ministère.

Après l’affaire Tefal, qui a avait révélé les pratiques les plus obscures pour écarter une inspectrice du travail gênante aux yeux d’une grande entreprise, avec l’appui de la hiérarchie locale, le ministère du travail est de nouveau frappé par une grave situation d’atteinte à l’indépendance de l’inspection du travail, en pleine crise sanitaire.

Qu’est-il reproché à notre collègue Anthony ?

Dans un spectaculaire renversement de responsabilité, il est reproché à notre collègue d’avoir « voulu imposer les priorités définies par son organisation syndicale ayant pour effet de se substituer aux autorités administratives compétentes dans l’action du service public de l’inspection du travail pendant la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 ». C’est bien connu, ce sont les organisations syndicales du ministère qui fixent les priorités de l’inspection du travail !

Plus concrètement, il lui est reproché :

  • d’avoir envoyé un message à ses collègues sur l’utilisation d’un courrier type « sans avoir informé sa hiérarchie pour échanger sur son contenu, plaçant le RUC et la RUD devant le fait accompli», ce qui révèlerait un comportement antihiérarchique dans le but de mettre « hors-jeu » la hiérarchie : depuis quand doit-on demander l’autorisation de la hiérarchie avant d’envoyer un message à ses collègues portant sur des pratiques d’ordre professionnel ?
  • d’avoir envoyé des courriers-types aux entreprises sans avoir adapté ceux-ci à la réalité de la situation de chaque entreprise et de ses spécificités et sans avoir informé la RUD, ce qui aurait porté atteinte à la « crédibilité du service public» et « mis en difficulté » la RUD : depuis quand doit-on informer la hiérarchie et notamment le-la RUD avant d’envoyer des courriers à des entreprises ? Et de qui se moque-t-on quand la DGT proscrit l’envoi de lettres types, elle qui ne cesse de vouloir transformer les agent-es de contrôle en VRP en leur demandant de substituer l’action de contrôle par l’envoi de lettres types (amiante, CSE, égalité femmes/hommes, etc.) ;
  • d’avoir manqué de « discernement» dans le dossier d’une association d’aide à domicile, l’ARADOPA, en prescrivant le port de masques FFP2, en contradiction avec les prescriptions des autorités sanitaires, lesquelles ont réservé ce type de masques exclusivement aux soignants des services hospitaliers effectuant des actes invasifs au plus près malades du covid-19. Ce faisant, il aurait méconnu les textes sanitaires qui s’imposeraient à l’inspection du travail. Selon la DGT, l’action conduite par Anthony aurait conduit à « un grave dysfonctionnement de l’intervention de l’inspection du travail à l’égard de l’association, intervention qui est apparue, par son objet et ses potentiels effets, en totale contradiction avec l’objectif de maintien de l’activité, au surplus alors que celui-ci répondait indubitablement aux besoins vitaux d’une partie de nos compatriotes ».

Ici, tout devient clair : il fallait à tout prix stopper l’intervention d’un inspecteur du travail au nom des supposés intérêts économiques et sociaux

Et c’est cet intérêt économique, qualifié d’intérêt général par la DGT, qui autoriserait toutes les pressions, les interventions extérieures, et les ingérences de la RUD en contradiction avec les principes d’indépendance garantis par la convention n°81 de l’Organisation internationale du travail (OIT).                                                                                                                                                                  …/…

En effet, il ressort clairement du dossier que la RUD, estimant que la période d’urgence sanitaire lui donnait des droits particuliers, a :

  • demandé à disposer d’un accès aux boites institutionnelles des sections afin d’accéder directement aux messages adressés aux agent-es de contrôle ;
  • contacté des entreprises, à l’insu d’Anthony, afin de leur préciser que ses courriers n’avaient surtout pas pour finalité de les empêcher de maintenir leur activité ;
  • écrit aux entreprises qui l’avaient saisie suite à la réception de courriers d’Anthony, à son insu et sans l’en informer, dont un courrier à la signature du préfet de la Marne pour « autoriser la poursuite d’activité ».

En ce qui concerne le dossier ARADOPA, les ingérences de la RUD ressortent clairement des éléments du dossier puisqu’elle a :

  • donné suite à la plainte de l’employeur sans en informer l’agent de contrôle, en lui indiquant par écrit la « nécessité d’un maintien de l’activité » alors qu’une procédure de danger grave et imminent était lancée,
  • s’est substituée à l’inspecteur du travail compétent en engageant une « médiation » afin de lever la procédure de danger grave et imminent et empêcher à tout prix la fermeture de l’association par la mise en place d’un « groupe de travail »
  • conseillé à l’employeur de ne pas répondre aux demandes d’Anthony,
  • demandé la suspension immédiate d’Anthony après avoir appris par l’employeur qu’il avait décidé de saisir le juge en référé afin de le contraindre à prendre des mesures de protection au bénéfice des salarié-es, faisant suite la demande de l’employeur et du Président du Conseil départemental de la Marne.

Au-delà même de la personne d’Anthony, cette affaire nous concerne tous et toutes

Elle illustre, sur fond de collusion de l’administration avec le patronat et les hiérarques locaux, les atteintes à l’indépendance des inspecteur-trices du travail et les entraves régulières apportées à l’exercice de leur mission. Si l’inspection du travail dérange, c’est parce qu’elle a encore pour rôle de veiller au respect des quelques règles permettant de rendre la condition de l’exploitation salariale un peu moins précaire, moins dangereuse, contre l’extrême violence des rapports sociaux au travail où les travailleurs continuent de mourir, dans l’indifférence quasi générale, sur l’autel du profit de quelques-uns.

Les agent-es de l’inspection du travail ont toujours subi des pressions du patronat et du pouvoir politique. Ce qui est cependant relativement nouveau, c’est que ces pressions sont aujourd’hui de plus en plus fréquemment relayées en interne, de façon totalement décomplexée, par la hiérarchie avec la bénédiction de l’administration et du ministère du travail. Pendant la crise sanitaire, la volonté du gouvernement de poursuivre l’activité économique, coûte que coûte, et quoi qu’il en coûte aux travailleurs, a conduit à intensifier encore ces pressions et à cette situation pour le moins paradoxale : alors que, pour assurer la continuité de l’activité économique et des fonctions vitales du pays, les travailleurs les plus précaires et les plus fragiles mettaient leur santé en danger, la peur au ventre, parfois au péril leur vie, alors que ces travailleurs avaient plus que jamais besoin d’une inspection du travail présente et forte, l’action des inspecteur-trices du travail – devenu-es malgré eux les VRP de la doctrine sanitaire mouvante du gouvernement – s’est vue entravée et paralysée comme jamais auparavant.

Cette situation a conduit, le 16 avril dernier, les organisations syndicales CGT, CNT, FSU, FO et SUD du ministère du travail à déposer une plainte devant le bureau international du travail pour violation des conventions internationales de l’OIT par le gouvernement français à l’occasion de la gestion de l’épidémie de Covid-19.

Contrairement à ce que cherche à faire croire le ministère du travail, notre collègue n’a pas outrepassé ses prérogatives. Il s’est contenté de faire son travail en essayant de faire appliquer le code du travail, et notamment la mise en œuvre de mesures de protection collective (télétravail) et individuelle (port d’EPI).

Au contraire, c’est la RUD, la DIRECCTE et le DGT qui ont violé leurs obligations déontologiques en relayant les pressions extérieures indues d’une entreprise et d’un homme politique et en donnant suite à leur demande de sanction pour faire obstacle à un contrôle d’un inspecteur du travail.

C’est la RUD, la DIRECCTE et le DGT et non notre collègue qui doivent être sanctionné-es pour leurs manquements à leurs obligations professionnelles !

Les organisations syndicales signataires exigent la réintégration immédiate d’Anthony Smith dans ses fonctions et l’abandon de toute poursuite à son encontre.

Nous appelons toutes et tous les agent-es à se mobiliser contre cette procédure infâme qui vise en fait à mettre au pas l’ensemble des agent-es de l’inspection du travail.

Nous appelons à la grève et à participer au rassemblement le 21 juillet 2020 à Paris à partir de 12h30 devant la DRH du ministère du travail où est convoqué le conseil de discipline.

Nous invitons les collègues à se réunir pour décider des façons de manifester collectivement leur refus de cette procédure inique (rétention des remontées chiffrées, non-participation aux réunions de service, etc.).

Chronique d’une atteinte à l’indépendance : le dossier ARADOPA

15 mars : saisine de l’inspecteur du travail par les élus du CSE

25 mars : courrier de rappel de la réglementation à l’employeur (rappel notamment des recommandations nationales avec renvoi vers le site institutionnel : (https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus)

31 mars : courrier de la responsable de l’unité départementale (RUD) à l’inspecteur du travail lui faisant grief d’avoir envoyé des lettres circulaires rappelant les règles de prévention applicables

8 avril : courrier de l’inspecteur du travail à l’ARADOPA, formulant un certain nombre de demandes et proposant à l’employeur un rendez-vous téléphonique pour le vendredi 10 avril à 10h conformément à instruction DGT du 30 mars (constats à distance)

9 avril : courrier de réponse de l’employeur ne répondant que partiellement aux demandes de l’inspecteur + courriel de l’employeur acceptant le rendez-vous téléphonique proposé

10 avril :

  • 9h : ANNULATION UNILATERALE par l’employeur du rendez-vous proposé à 10h par l’inspecteur du travail privant ainsi celui-ci de la possibilité de réaliser des constats et venant s’ajouter à l’interdiction faite par le RUC le même jour de se rendre sur site
  • courrier de l’inspecteur du travail à ARADOPA faisant suite au suite au droit d’alerte déposé le jour même (rappel de l’obligation de diligenter une enquête) et à l’exercice du droit de retrait par quatre salarié-es. Dans ce courrier, l’IT rappelle également les demandes du 8 avril et restées sans réponse et propose un nouveau rendez-vous téléphonique à l’employeur fixé au 14 avril à 10h qui sera annulé unilatéralement
  • le directeur de l’ARADOPA informe le Conseil Départemental de la Marne (financeur de l’Aide Personnalisée d’Autonomie – APA) de la situation (droit d’alerte et droits de retrait des salarié-es) ainsi que des interventions de l’inspection du travail, ET MENACE DE FERMER L’ASSOCIATION
  • SANS EN INFORMER L’INSPECTEUR DU TRAVAIL, la responsable de l’Unité départementale (RUD) de la Marne prend contact avec la secrétaire de l’Union Départementale FO de la Marne, et propose une « médiation » par téléphone ; S’ensuit une réunion téléphonique de 3h (entre 17h30 et 20h30) en audioconférence à laquelle participent la RUD, le Directeur Général de l’ARADOPA, 2 élus FO du CSE et la secrétaire de l’UD FO de la Marne, toujours sans que l’inspecteur du travail en soit informé,
  • parallèlement, Christian BRUYEN, président du conseil Départemental de la Marne, écrit au Ministère du travail pour se plaindre de l’action de l’inspecteur du travail (dans un reportage sur l’antenne régionale de France 3, Christian BRUYEN reconnait avoir été informé de la procédure de suspension notifiée à Anthony et être à son initiative)

11 avril :

  • 16h08 : courrier de l’inspecteur du travail à l’employeur l’informant notamment de son l’intention d’engager une procédure de référé judiciaire si les actions correctives ne sont pas mises en œuvre (rappel des demandes du 8 avril demeurées insatisfaites à ce jour)
  • Info cellule DGT et copie à la ligne hiérarchique par l’inspecteur du travail
  • 16h49 : courrier du directeur général de l’ARADOPA à la RUD, se plaignant de l’intervention de l’employeur, s’estimant « harcelé» et confirmant à la RUD avoir cessé, à sa demande, de répondre aux sollicitations de l’IT : « comme vous me l’avez demandé je n’ai plus répondu à aucun de ces mails ni appels téléphoniques »
  • 17h15 : courriel de la RUD en réponse « je regrette profondément l’acharnement de l’Inspecteur », et l’invitant « à mettre cette correspondance de côté» et sans qu’il soit nécessaire d’accuser réception.
  • 20h51 : convocation de l’inspecteur à un entretien audio de type « pré-disciplinaire » pour le mardi 14 avril à 9h00 (alors que l’employeur a été invité à un rendez-vous audio à 10h00). Cette convocation fait directement suite à la sollicitation de l’employeur faire le même jour et demandant « ou en est la procédure le concernant» ?

13 avril : information de la DGT par l’inspecteur du travail

14 avril :

  • 9h : entretien pré disciplinaire « pour faire le point» (RUD, chef du pôle T de la DIRECCTE et la directrice régionale, Mme Notter). La directrice régionale conclut l’entretien en demandant à l’inspecteur d’indiquer par écrit son « intention de cesser ses pratiques actuelles qu’elles concernent l’ARADOPA ou d’autres entreprises » et qu’à défaut elle demanderait l’engagement d’une procédure disciplinaire à son encontre
  • 10h : l’employeur n’honorera pas le rendez-vous téléphonique fixé par l’inspecteur
  • Courriel du RUC interdisant, par écrit, un contrôle sur site au motif que les constats peuvent être faits à distance conformément à l’instruction DGT du 30 mars 2020
  • 16h : entretien téléphonique avec le directeur général de l’ARADOPA
  • 20h34 : second courrier au DGT avec pièces alertant sur la collusion et l’atteinte à l’indépendance
  • 21h14 : Courriel d’ultimatum DIRECCTE à l’inspecteur « cessez vos pratiques » (réponse écrite attendue pour le mercredi 15 avril à 15 heures)

15 avril :

  • dépôt de l’assignation en référé devant le tribunal judiciaire
  • 20h50 : courriel de la DIRECCTE notifiant la suspension de l’inspecteur

16 avril : communiqué de presse du ministère « L’agent concerné a méconnu de manière délibérée grave et répétée les instructions de l’autorité centrale du système d’inspection du travail concernant l’action de l’inspection durant l’épidémie de covid 19 »

20 avril : notification, par acte d’huissier signifié à l’intéressé à son domicile personnel, la coupure temporaire de ses accès aux outils et applications nécessaires à l’exercice de son activité professionnelle, dont l’accès à sa messagerie professionnelle. Il ne reçoit donc plus aucun message.

21 avril : Coupure de sa ligne téléphonique professionnelle

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