Les ordonnances Macron vont avoir des conséquences désastreuses sur les services de l’inspection du travail et de renseignement

Une remise en cause de la capacité à renseigner et orienter les salariés

La remise en cause de la hiérarchie des normes et du principe de faveur, en fragilisant les conditions de vie au travail des salariés a un effet direct sur la capacité de nos services à remplir sa mission de renseignement des salariés quant à leurs droits et, par conséquent, a également un effet sur la capacité des services de contrôle d’orientation des actions pour rétablir le salarié dans ses droits – en effet, déjà aujourd’hui, tous les accords d’entreprise ne sont pas aisément disponibles mais il existe le socle commun des accords de branche. Demain, les accords d’entreprise constitueront une base de droits que les agents du service renseignement et les agents de contrôle ne seront pas forcément en mesure de connaître et d’en vérifier l’application.

La remise en cause de ce socle protecteur couplée à la multiplication des accords dérogatoires dans une configuration de réduction des effectifs et de réorganisation centralisée des services (éloignés des salariés et de leurs réalités), tant en ce qui concerne le service renseignement que les services de contrôle, rend impossible pour nos services le maintien de la qualité du service rendu adapté à chaque situation particulière.

S’agissant des actions de contrôle, il sera plus difficile pour les agents de contrôle d’effectuer des constats en ce qui concerne le respect par exemples du versement des accessoires de salaire type 13ème mois – dont l’existence ne sera plus réglée par les accords de branche. Il était déjà compliqué  depuis la loi El Khomry de contrôler le respect de la durée du travail (lorsqu’un accord de modulation peut s’étaler sur trois ans, on imagine la difficulté à en contrôler la bonne application).

Un affaiblissement des relais des agents de contrôle et des connaissances sur le monde du travail.   

L’efficacité de nos services repose sur un maillage territorial et sur la connaissance des entreprises et des rapports sociaux.

La remise en cause des prérogatives des organisations syndicales (remise en cause du droit de la négociation, limitation des mandats successifs) et la fragilisation des  institutions représentatives du personnel (confusion des missions, moins de représentants, moins de droits en matière de consultation et d’information, moins de droit en matière de décharge en temps de travail, etc.) affaiblissent à la fois les capacités d’intervention des agents de contrôle (dispositions réduites et confuses) mais aussi les relais des agents de contrôle dans l’entreprise.

En fusionnant les institutions représentatives du personnel, on supprime dans l’entreprise les relais de veille sur le respect des droits et des obligations ; on affaiblit les connaissances sur le monde du travail et les sources d’information pour les agents de contrôle.

Dans le même temps, les services du travail connaissent des suppressions de postes massives d’agents de contrôle.…

… alors que les agents doivent tout réapprendre ; en effet, les modifications que connait le code du travail depuis 4 – 5 ans recomposent l’économie globale du droit du travail. Il ne s’agit pas seulement de connaître les nouvelles dispositions, mais il faut déconstruire les acquis d’années de travail sur de nombreux champs du droit. Et comment reconstruire alors que le caractère protecteur des salariés du droit du travail qui constitue le cœur de nos actions est rudement remis en cause ?

Comment concilier la baisse des effectifs, l’appropriation des modifications incessantes des textes et l’accomplissement des missions de contrôle au service des salariés.

Le contexte des ordonnances, les réformes d’organisation des services, les baisses d’effectif de contrôle ont comme conséquence directe l’empêchement de l’action de l’inspection du travail.

Une remise en cause du travail opéré auprès des représentants du personnel au (ex)CHSCT   et une remise en cause des moyens de connaissance sur les questions de santé et sécurité au travail

La suppression dramatique des CHS-CT et des prérogatives des représentants du personnel en santé et sécurité (notamment par rapport au droit d’expertise et d’enquête) se double d’une mise à l’écart de l’inspection du travail. Le CHS-CT est la seule instance à laquelle participent des personnes extérieures (IT, Médecin du travail, CARSAT), une instance réactive mais également un lieu de construction conjointe travail/hors travail où s’élaborait une véritable réflexion sur l’activité de travail.

Or, après les ordonnances  l’inspecteur du travail ne sera plus systématiquement invité aux réunions du comité économique et social réuni sur les questions de santé et de sécurité dans les entreprises de moins de 300 salariés.

Perte de connaissances sur l’entreprise et remise en cause de la « veille » sur ces questions effectuée par les agents de contrôle  à travers les informations transmises par l’employeur et liées aux réunions des CHS-CT, remise en cause de la « formation » indirecte des représentants du personnel effectuée par les agents en présentiel dans les CHS-CT, remise en cause du droit de regard et d’agir dans le cadre des réunions  … on sait combien les employeurs « détestent » que l’inspection soit au cœur de l’entreprise.

 La limitation des indemnités accordées par le tribunal des prud’hommes a également un effet sur l’action de contrôle des agents et sur le niveau de protection des salariés.

La limitation des indemnités accordées par le tribunal en cas de rupture sans cause réelle et sérieuse et la limitation du nombre de cas de saisine possibles (modifications d’éléments essentiels du contrat par voie d’accord d’entreprise qui s’imposent aux salariés) a d’ores et déjà un effet à la baisse du nombre de saisine par les salariés du tribunal des prud’hommes.

Le droit du travail est un droit qui doit beaucoup à la jurisprudence. A de multiples reprises, le législateur a adopté des textes pour faire tomber une jurisprudence considérée comme trop favorable aux salariés. On se souvient des arrêts remettant en cause le cadre des licenciements économiques et de la loi venant définir le licenciement économique pour contrer le caractère novateur des arrêts.

L’effondrement de la jurisprudence participera de la limitation des interventions des agents de contrôle.  Là où une décision de jurisprudence favorable permettait à l’agent de contrôle mais également aux syndicats de se saisir d’une question pour faire progresser le droit pour tous ; l’absence de saisine des tribunaux prud’hommes entraîne, l’émiettement des actions et l’impossibilité de mettre en œuvre des démarches collectives de régularisation.