L’attaque insidieuse du droit d’entrée par la DGT: Un pas de plus vers la restriction des prérogatives de l’inspection du travail ?

En mars 2020, les attaques de la DGT concernant les prérogatives de l’inspection du travail ont été nombreuses et brutales, sous prétexte de pandémie, et on se souvient du sort disciplinaire qui fut réservé à certain.es agent.es de contrôle qui ne se sont pas plié.es aux injonctions et interdictions.

Le nouveau guide de déontologie de l’inspection du travail, opportunément publié en mai 2021, tentait de  « justifier » ces attaques, notamment par l’apparition d’un devoir méconnu jusque-là : le devoir de discernement. La fiche du guide expose ainsi que ce devoir implique pour l’agent.e de contrôle « de rechercher une réponse appropriée à chaque situation avec discernement », notamment dans le choix des cibles, dans les modalités d’action et dans le choix des suites (rien que ça !). Et comment l’agent.e de contrôle peut-il être certain.e de faire preuve de discernement ? Il ou elle s’appuie sur la hiérarchie, évidemment ! Et le guide de donner des repères de « discernement », mélanges de bon sens et de limitation des prérogatives des agent.es (l’agent.e doit différer son contrôle s’il sait que la personne contrôlée vient d’être victime d’un attentat, mais l’agent.e doit aussi accepter de revenir plus tard rechercher des documents manquants « si son interlocuteur.ice dans l’entreprise doit impérativement partir », sans plus de précision sur ce qu’il faut entendre par « impératif »…)

Ainsi, ce terme tiré du code de déontologie (article R.8124-27 CT), éminemment subjectif (qui et selon quel critère juger de « la disposition de l’esprit à juger clairement et sainement les choses » d’après la définition donnée par le guide ?), autorise toutes les restrictions aux prérogatives des agent.es en posant le postulat de départ que le contrôle est, en soi, un problème, une atteinte à l’encontre des entreprises. Nous considérons au contraire qu’il est un moyen de rétablir dans leurs droits les salariés lésés par l’employeur.

De façon insidieuse, mais tout aussi illégitime au regard de la convention 81, la fiche DGT du 11 août dernier renouvelle les attaques contre les prérogatives des agent.es de contrôle, sous prétexte de « préciser les conséquences » de la loi du 5 août rendant obligatoire le pass sanitaire et la vaccination obligatoire « sur l’exercice du droit d’entrée dont bénéficient les agent.es de contrôle de l’inspection du travail ».

Le rappel du droit d’entrée de l’inspection du travail aux employeurs ? Chacun voit midi à sa porte

L’application des dispositions de la Loi du 5 août 2021 méritait que notre Ministère communique publiquement en rappelant aux employeurs les prérogatives de l’inspection du travail en matière de droit d’entrée dans les entreprises.

Que nenni ! Chaque région, chaque département fera (ou ne fera pas), en écrivant « par exemple, (…) aux organisations professionnelles locales, aux gestionnaires des grands établissements recevant du public etc. ».

En situation de contrôle, prière de calmer le jeu et de passer par l’entrée de service

La DGT le souligne en gras : «  Toutes les mesures de précaution devront être prises pour éviter des tensions ».   Et fait des préconisations aux agents :

-Passer par l’entrée de service: « au moment du contrôle, un examen attentif de la configuration des lieux doit permettre à l’agent.e d’apprécier la manière la plus pertinente de se présenter et de solliciter l’accès ».

-Prendre conscience que le droit d’entrée peut avoir « un effet coupe-file» dans le contexte actuel.

L’emploi de ces termes est d’un mépris difficilement supportable envers nos missions : la DGT  transforme  ainsi le droit d’entrée en  une quasi demande d’autorisation d’accès, plutôt que de réaffirmer le droit plein et entier dont le non-respect constitue, rappelons-le à la DGT, un délit d’obstacle !

Réévaluer la nécessité de recourir au contrôle inopiné

La DGT instille l’idée qu’il serait plus opportun d’annoncer les contrôles à l’avance. Pourtant,  « il est de règle stricte que les visites de contrôle sur les lieux de travail ne soient jamais annoncées à l’avance, l’employeur.se, ou son représentant.e, ne devant être informé.e qu’au moment de l’arrivée de l’inspecteur dans l’entreprise [1],, à moins qu’il n’estime qu’un tel avis risque de porter préjudice à l’efficacité du contrôle selon les termes de l’article 12 de la convention n°81 de l’OIT.

Le risque de contamination

En matière de risque de contamination pour les autres, les propos de la DGT sont sibyllins : « des précautions complémentaires peuvent être prises dans les établissements de santé, médicaux et médico-sociaux en fonction des caractéristiques des personnes accueillies, notamment leur fragilité au regard du risque de contamination à la COVID 19 » : L’agent.e de contrôle facteur de contamination dans certaines entreprises?

Mais de quels risques précis s’agit-il ? A partir de quelle évaluation des risques ces risques particuliers, nécessitant des précautions complémentaires, ont-ils été identifiés ? A quelles précautions complémentaires la DGT entend-t-elle soumettre les inspecteur.ices et contrôleur.ses du travail? La DGT doit répondre rapidement et précisément à l’ensemble de ces questions.

Quel cynisme tranquille que de poser la possibilité d’une inspection « contaminante » alors que le gouvernement vient d’alléger les obligations des employeur.ses en matière de prévention des risques biologiques dans le cadre de la pandémie de SARS-CoV-2 (Décret 2021-951 du 16 juillet 2021)…

 Conclusion de la DGT

« En tout état de cause, l’agent veillera à respecter scrupuleusement les gestes barrière  (…) afin de se protéger des risques de contamination » (jusque-là tout va bien) et « d’éviter les tensions qui pourraient apparaître dans un contexte d’obligation de présentation du pass sanitaire qui ne lui est pas opposable »

Et voilà, tout est dit : il est franchement gênant d’être dispensé du pass sanitaire  quand on contrôle une entreprise qui y est soumise !  Le focus de la fiche DGT nous éclaire alors sur la bonne attitude à avoir pour corriger cet embarrassant  privilège :

«  Si la présentation par l’agent de contrôle d’un passe sanitaire n’est pas exigible, il n’en demeure pas moins que celui-ci reste libre de présenter le pass sanitaire dont il dispose le cas échéant à titre personnel pour rentrer dans les locaux /sites qu’il entend contrôler par exemple si il souhaite y accéder le plus discrètement possible ».

 Prévenir l’employeur.se au préalable, entrer par la porte de service en catimini, de préférence en dehors des horaires d’ouverture au public («  De même l’horaire le plus adapté pourrait être envisagé pour garantir le déroulement serein du contrôle »), Et pour finir, présenter son passe, pourquoi pas, rien ne nous l’interdit, n’est-ce pas ? 

Mais quelle sera la prochaine étape ?

La DGT, aux ordres du gouvernement, ne nous imposera pas, insidieusement, une limitation du droit d’entrée sous couvert d’adaptation à la période de crise sanitaire!

Nous rappelons :

  • Notre exigence du respect du droit d’entrée, plein et entier tel que garanti par l’article 12 de la convention n°81 de l’Organisation Internationale du Travail

 Nous demandons :

  • Des annonces publiques du ministère réaffirmant les prérogatives de l’inspection du travail en matière de droit d’entrée en période de crise sanitaire et rappelant les sanctions encourues en cas de délit d’obstacle
  • L’abrogation du code de déontologie

 

 [1] Note sous L8113-1 Code du travail GRF