La mise à mort de la médecine du travail

La médecine du travail est dans le collimateur du gouvernement. Deux réformes la concernant ont été annoncées lors du « conseil de simplification » du 30 octobre. Le gouvernement semble déterminé à aller vite et fort, puisque le projet de loi « pour la croissance et l’activité » (dite loi Macron, bientôt examinée au Parlement), prévoit de passer par voie d’ordonnance (donc sans débat parlementaire) pour réformer l’inaptitude médicale, l’organisation et les missions de la médecine du travail !

Le gouvernement explique que certaines obligations rendent impossible la vie des entreprises (du fait de la pénurie de médecins du travail et de la multiplication des CDD), et que les prérogatives des médecins vont à l’encontre de leur sécurité juridique ! Elles les exposent en effet à des sanctions civiles ou pénales (manquement à l’obligation de sécurité en cas d’absence de visite médicale ou d’adaptation du poste de travail).

Première mesure : alléger les obligations de visite médicale d’embauche et périodique.

Le gouvernement ne dit pas comment, mais selon certaines sources, il serait question de transférer au médecin traitant la visite médicale d’embauche et les visites périodiques sauf pour certains métiers difficiles et dangereux…

Ce serait ni plus ni moins que la privatisation du suivi médical, et un coup porté aux prérogatives d’intervention en entreprise des médecins du travail !

Ce serait aussi exposer les salariés à encore plus de précarité (84% des embauches se font aujourd’hui en CDD) et les rendre responsables de la pénurie de médecins du travail organisée par les pouvoirs publics : ainsi les salariés nouvellement embauchés seraient dans les faits privés de tout suivi médical par un médecin du travail !

Deuxième mesure : supprimer la possibilité pour le médecin du travail d’émettre un avis d’aptitude avec restrictions, imposant à l’employeur d’aménager le poste de travail.

Ainsi, le médecin du travail n’aurait plus qu’à classer les salariés entre aptes et inaptes. L’employeur ne serait plus tenu d’adapter les postes de travail à la situation des salariés. Il pourrait ainsi se débarrasser plus facilement des salariés qui ne conviennent plus au poste.

Ce serait transformer la médecine du travail en un outil de sélection de la main d’œuvre à l’usage des patrons !

Faut-il rappeler que les médecins du travail ont une formation sur les risques professionnels, et que c’est la seule spécialité où elle est réellement dispensée.

Le code du travail définit spécifiquement les missions du médecin du travail et lui accorde toute une série de prérogatives.

Afin d’exercer ses missions, le médecin du travail conduit des actions sur le milieu de travail, avec les autres membres de l’équipe pluridisciplinaire dans les services de santé au travail interentreprises, et procède à des examens médicaux.

Les constatations et les avis des médecins du travail (qu’ils soient individuels, pour un salarié, ou collectifs) sont protégés par l’inspection du travail, de même que leurs contrats de travail (ils ont une protection particulière contre le licenciement).

Ils sont, par le code du travail, membres de droit du CHSCT, au même titre que l’inspecteur du travail et l’inspecteur de l’assurance-maladie.

Comment le service de santé au travail pourra désormais faire le lien entre plusieurs cas identiques dans une même entreprise (souffrance au travail, expositions à des risques particuliers…) si les salariés sont suivis individuellement par différents médecins traitants n’ayant pas connaissance de l’existence d’une situation d’ensemble et qui ne seront pas membres des CHSCT ? Ou si aucun suivi médical régulier n’est assuré aux salariés par un même médecin ?

A l’heure où la santé et la sécurité au travail sont devenues un enjeu majeur, notamment du fait des TMS, des expositions à des agents chimiques ou des méthodes de management et leurs exigences dévorantes de productivité, et alors que les reconnaissances des maladies professionnelles ont explosé en 20 ans (passant de 5 000 à 50 000 par an !) il faudrait au contraire renforcer la médecine du travail.

Ce nouveau coup porté à la médecine du travail pourrait lui être fatal.

Pour le SNTEFP-CGT, il s’agit plus que jamais de défendre la médecine du travail, de renforcer les prérogatives et les garanties attachées aux médecins du travail. Le gouvernement doit abandonner ses propositions !

Le 24 novembre 2014

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