La CGT, le SNUTEF-FSU et SUD font un recours au Conseil d’Etat contre le décret du 20 mars 2014 modifiant l’organisation de l’inspection du travail

Les syndicats demandent l’annulation du décret.

Ce décret qui a été sorti du chapeau par le ministre Sapin après que le parlement ait rejeté l’article 20 du projet de loi relatif à la formation professionnelle remet gravement en cause l’indépendance d’action de l’inspection du travail telle que garantie par la convention 81 de l’OIT.

Les syndicats attaquent le décret tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, les syndicats qui n’ont cessé de dénoncer les méthodes expéditives du Ministère pour organiser la consultation des institutions représentatives du ministère, invoquent l’irrégularité de la procédure d’adoption :

– l’absence de consultation préalable du Conseil National de l’Inspection du Travail et du Conseil Supérieur de la Fonction Publique ;

– l’absence de consultation préalable du CHS-CT Ministériel dont l’avis sur la réforme elle-même n’a toujours pas été sollicité ;

– l’absence de consultation des comités techniques sur les modifications statutaires.

Sur le fond, l’ampleur de la réforme et les modifications dans les prérogatives et l’exercice des fonctions amènent les syndicats à attaquer le décret sur :

Atteinte au principe d’indépendance des inspecteurs du travail garanti par l’article 6 de la convention 81 de l’OIT, élevé au rang de principe général du droit par le Conseil d’Etat et ayant acquis valeur constitutionnelle par décision du 17 janvier 2008.

Le décret contrevient en effet au principe d’indépendance tel que précisé par le Conseil d’Etat.

En organisant les services en unités de contrôle placées sous l’autorité d’un responsable qui exerce le pouvoir hiérarchique sur les agents et organise l’action des services, le décret contrevient :

– à la notion d’indépendance d’action individuelle de l’inspecteur du travail dans l’application de la législation du travail (arrêt CE du 9 octobre 1996).

– peut avoir pour objet ou pour effet, de prescrire aux inspecteurs du travail d’exercer, au cas par cas, dans un sens déterminé, leur mission de contrôle de la législation du travail contrairement à une autre notion développé par le Conseil d’Etat et permettant de garantir l’indépendance d’action de l’inspecteur du travail (arrêt CE du 15 février 1999).

– prive l’inspecteur du travail de la maîtrise de ses moyens d’action : or pour que l’indépendance d’action soit garantie, l’inspecteur du travail doit disposer de moyens (tant juridiques que matériels) et avoir le choix de leur mise en œuvre.

Ce décret introduit donc une confusion et contradiction juridiques :

–       Le terme « inspecteur du travail » prévu dans le décret englobe des fonctions non exclusivement dédiées au contrôle.

–       Les inspecteurs et contrôleurs du travail exerceront leur mission au sein d’unités de contrôle placées « sous l’autorité d’un inspecteur du travail », le RUC. Or, le responsable de l’unité de contrôle n’exerce les fonctions d’inspecteur du travail qu’à titre subsidiaire. Les missions principales du RUC seront l’animation, l’accompagnement et le pilotage de l’activité des agents de contrôle

–       L’inspecteur du travail, responsable d’unité de contrôle (RUC), tel que prévu aux nouveaux articles R8122-3 et R8122-4, ne peut être agent de contrôle au sens de l’article 3.2 de la convention OIT n°81 : « Si d’autres fonctions sont confiées aux inspecteurs du travail, celles-ci ne devront pas faire obstacle à l’exercice de leurs fonctions principales ni porter préjudice d’une manière quelconque à l’autorité ou à l’impartialité nécessaires aux inspecteurs dans leurs relations avec les employeurs et les travailleurs. »…

Atteinte au principe d’opportunité des suites à donner au contrôle prévu à l’article 17 de la convention 81 de l’OIT.

Le décret crée un choc de complexification et d’illisibilité du droit sans précédent :

En tant qu’il crée 5 échelons d’intervention différents dans l’entreprise, sans en organiser, ni la répartition des compétences entre les différents niveaux d’intervention, ni une procédure de coordination ou d’arbitrage en cas de désaccord entre l’Inspecteur du Travail territorialement compétent et les autres échelons d’intervention tant sur l’opportunité d’effectuer une action de contrôle que sur les suites à donner, le décret est entaché d’incompétence négative.

Par la multiplicité des niveaux d’intervention qu’il crée et les chevauchements de compétence qu’il organise, sans en avoir défini le fonctionnement, le texte méconnait le principe d’accessibilité et d’intelligibilité du droit

La où la loi et le règlement identifiaient l’inspecteur du travail territorialement compétent et organisaient l’affichage du nom de l’inspecteur du travail compétent dans les locaux accessibles aux travailleurs, le décret remet en cause la lisibilité pour les salariés (et pour les employeurs) de l’action administrative et rend impossible l’identification de l’agent chargé d’assurer le contrôle de l’établissement (prévue à l’article D.4711-1 du code du travail).

Ce décret introduit donc des conflits de compétences entre services et agents.

Les syndicats mettront tout en œuvre pour s’opposer à l’entrée en vigueur de la réforme y compris par la voie du référé administratif.

Continuons à nous mobiliser contre la mise en place du plan Sapin, la détérioration de nos conditions de travail et la baisse des effectifs !

Paris, le 6 juin 2014.

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