L’intervention de la CGT-TEFP à la réunion publique « Qui a peur du CHSCT » du 19 septembre 2017

Le SNTEFP-CGT est intervenu lors de la réunion publique organisée le 19 septembre 2017 à Paris par l’Association des experts agréés et intervenants auprès des CHSCT (ADEAIC) sur les dangers de la disparition des CHSCT prévue par les ordonnances Macron-Pénicaud.


L’attaque que constitue la suppression des CHSCT, et il s’agit bien de suppression et non de fusion dans une instance unique comme certains médias l’indique à tort, est à relier à la politique générale de ceux qui nous gouvernent depuis de nombreuses années, quel que soit leur étiquette politique, une politique de casse organisée de tous les acteurs de terrains qui d’une part observent les dégâts du travail sur la santé des travailleurs et d’autre part enjoignent les employeurs à mettre en place des mesures de prévention.

Je parle ici en premier lieu des représentants du personnel notamment ceux du CHSCT, déjà mis à mal par les lois Rebsamen et El Khomri mais aussi des médecins du travail (Marie), des agents des services préventions des CARSAT et de ceux de l’inspection du travail.

En septembre 2014, les services de l’inspection du travail ont connu une profonde transformation qui s’est traduite par une baisse de 10 % des Inspecteurs et contrôleurs du travail intervenant sur le champ de la santé sécurité et la mise en place d’une nouvelle strate hiérarchique chargé de piloter, diriger, orienter l’activité de l’inspection…

L’objectif est clair : rompre avec une inspection du travail jugée comme trop proche des salariés, trop réactif à leurs demandes, une inspection du travail peu compréhensive à l’égard du patronat et trop retord aux exigences du Ministère….

Les effectifs étaient déjà insuffisants face à l’ampleur de la tâche, tenter de faire appliquer le code du travail aux employeurs, désormais cela s’avère quasi impossible d’autant plus avec un code du travail par entreprise,

S’il ne fallait retenir que deux chiffres : 1 agent pour 1000 entreprises en moyenne, 1 agent pour 10 000 salariés….

Cette « reprise en main » de l’inspection du travail s’accompagne aussi de modifications relatives au système de sanctions intervenues courant 2016. Ainsi, au motif du manque d’efficacité de la justice pénale, 2/3 des procès-verbaux étant classés sans suite par les parquets peu enclins à poursuivre la délinquance en col blancs….. le gouvernement Valls El Khomri a instauré la mise en place de sanctions administratives ainsi qu’un système de transaction pénale, deux dispositifs qui permettent au chef d’entreprise délinquant de négocier le montant des amendes avec le Directeur régional des entreprises et du yravail…. Le même directeur qui, sous l’égide du préfet et du ministre, valide sans difficultés les plans de licenciements collectifs et distribue l’argent public aux entreprises au nom des politiques de l’emploi.

Déjà que l’employeur responsable de l’amputation d’un bras était moins condamné que celui qui dérobe un Smartphone, que ceux qui expose leurs salariés à des cancérogènes sans protection et abuse de la précarité ne sont jamais poursuivi…. alors je n’ose imaginez le futur !

Mais pour décourager les inspecteurs du travail à témoigner de la réalité de leurs constats, voire carrément les museler, le Ministère du travail n’a pas trouvé mieux cette année d’instaurer un code de déontologie qui interdit aux inspecteurs du travail de faire état de leur profession ainsi que de (je cite) « tenir des propos de nature à nuire à la considération du système d’inspection du travail ». Vous l’aurez compris, pendant les 7 minutes de mon intervention, je ne suis plus inspecteur du travail…. mais juste un de ses milliers de feignants de fonctionnaire du Ministère.

Malheureusement 2017 est aussi marqué par une nouvelle vague de suppression de postes dans le cadre de la politique globale de suppression de postes dans la fonction publique, moins 150 agents au niveau nationale dont 80 pour l’Ile-de-France.

Il faut avouer que ces désorganisations permanentes ne motivent pas nos collègues. Pas fan des indicateurs, mais constatent que le nombre de procès- verbaux est en chute libre, au grand plaisir du MEDEF.

S’attaquer à l’inspection du travail n’est pas une fin en soi pour les Hollande – Macron et consorts… Cela s’inscrit dans une politique plus globale qui consiste à minimiser ou cacher les risques réels du travail, ce qui explique par exemple :

  • la suppression des fiches d’expositions pour les produits chimiques en 2012 rendant plus difficile la reconnaissance en maladie professionnelle des travailleurs,
  • la suppression des protections particulières comme l’interdiction d’affecter des jeunes travailleurs sur des machines dangereuses supprimés en 2015 au nom des politiques de l’emploi… afin de favoriser l’apprentissage.

Il suffit d’étudier le Plan National Santé Travail 2016 – 2019, qui constitue la feuille de route gouvernementale en matière de Santé au Travail pour constater que le Ministère du Travail n’a pas comme véritable objectif de contraindre les entreprises à supprimer les risques éliminables. Si les thèmes paraissent alléchants, avec un gros pavé sur la prévention primaire, l’analyse des actions détaillées montre que les seules actions concrètes se limitent bien souvent à information, la sensibilisation et conseil aux entreprises qui doivent décider les moyens de prévention à mettre en œuvre. L’idée est d’éviter la mise en cause de la responsabilité de l’Etat dans le futur comme dans les dossiers Amiante.

Ce qu’il faudrait aujourd’hui outre l’abrogation des lois Rebsamen et El Khomri :

  • renforcer les pouvoirs réels de l’inspection du travail et de doubler à minima le nombre agents en renforçant leur indépendance
  • mettre en œuvre une politique pénale aussi dissuasive pour les infractions au code du travail qu’en terme d’infractions routières.
  • renforcer la protection contre le licenciement des travailleurs qui utilisent leur droit de retrait en cas de danger grave et imminent
  • renforcer les pouvoirs du CHSCT – droit de veto sur les réorganisations – possibilité d’arrêter les postes de travail dangereux…

Pour finir sur les CHSCT, un mot concernant ceux de la fonction publique dont je suis l’un des membres pour indiquer que leur mise en place récente en 2011 s’est réalisé, près de 30 ans après ceux du privé, avec des crédit d’heure 30% plus faible que privé sans possibilité de dépassement, qu’aujourd’hui encore l’Etat refuse au CHSCT de la fonction publique le droit d’agir en justice, que ces CHSCT ne peuvent imposer l’expertise puisqu’il faut l’accord du président qui pourra alors choisir et piloter l’expert.

Dans cette période d’attaques sans précédents contre les droits des travailleurs, la fonction publique n’est pas épargnée et nous pouvons craindre la disparition CHSCT dans la fonction publique… c’est un motif supplémentaire pour le tous ensemble public/privé

Enfin pour conclure, s’il est indispensable de critiquer la remise en cause de la hiérarchie des normes et du principe de faveur, je voudrais insister sur une idée simple : aucun système politique ne devrait accepter que la santé des travailleurs et des travailleuses soit une des variables de la négociation collective. Notre vie, votre vie vaudra toujours plus cher que leurs profits !