Effectifs en chute libre au ministère du travail : Madame Borne va-t-elle poursuivre jusqu’au crash ?

Cette année encore, le ministère du travail sera « contributeur » aux suppressions de postes dans la fonction publique d’Etat.

Cette réduction des effectifs, à hauteur de 220 postes, sera redoublée par la mise en œuvre de la réforme OTE au mois d’avril 2021, qui entraînera le transfert de plus de 500 emplois au ministère de l’intérieur : 400 au titre de la création des secrétariats généraux communs et 130 du fait du transfert de la MOE.

Les services sont pourtant déjà exsangues : l’ensemble des DIRECCTE et des DIECCTE comptaient tout juste 7500 agent·es en 2019, si l’on en croit le bilan social de la DRH. Pour mémoire, les mêmes services comportaient près de 10 000 agent·es en 2009.

C’est donc un quart de nos effectifs qui a été amputé par les gouvernements successifs au cours des dix dernières années par des reformes aux divers sigles – RGPP (Révision générale des politiques publiques), MAP (Modernisation de l’action publique), RéATE (Réforme de l’administration territoriale de l’Etat) et aujourd’hui l’OTE.

Et la chute s’accélère !

Entre décembre 2018 et août 2020, 160 agent·es de contrôle ont quitté le ministère sans être remplacé·es. En 2010, au pic du PDMIT il y avait 2249 agent·es de contrôle, mais nous sommes tombés à 1908 agent·es de contrôle en 2020, soit 341 agent·es de moins en 10 ans.

Il en résulte aujourd’hui qu’en moyenne 16% des sections sont vacantes, autrement dit un·e usager·e sur 6 a très difficilement accès au service public de l’inspection du travail ! La seule réponse du ministère à cette vacance structurelle des postes a consisté en des plans répétés de suppression de sections : fin 2016 il y avait 2 210 sections généralistes. Leur nombre est passé à 2 069 en 2020, soit une perte de 141 sections.

Les conséquences de ces suppressions ont été une dégradation du service rendu aux salarié·es et en corolaire une augmentation de la charge de travail pour les agent·es de contrôle. En 2015 la moyenne du nombre de salarié·es par agent·e de contrôle était de 8 322, en 2020 la moyenne passe à 9 014 salarié·es pour une section d’inspection. Oublié le ratio d’un·e agent·e de contrôle pour 8 000 salarié·es prévu dans le PDMIT ! Le ministère vise à horizon 2022 un nouveau ratio à hauteur d’un·e agent·e de contrôle pour 10 000 salarié·es, qui ferait retomber la France dans les profondeurs du classement européen. Et, curieusement, là où ce ratio est déjà bien dépassé (Ile-de-France avec 11 525 salarié·es pour un·e agent·e de contrôle et Pays de Loire avec 10 771 salarié·es pour un·e agent·e de contrôle en 2019), aucune création de section n’est prévue…

Et ces ratios ne prennent pas en compte les salarié·es de la fonction publique hospitalière, pour lesquels nos services interviennent sur le champ de la santé et de la sécurité, ni les transferts de compétence programmés concernant les barrages, mines et carrières, qui ne sont assortis d’aucun poste supplémentaire.

Désastre dans tous les services

Si l’on considère les Pôles T dans leur ensemble, l’ampleur du désastre est identique : plus de 400 agent·es se sont « volatisé·es » entre décembre 2018 et août 2020 : outre les agent·es de contrôle, près de 110 assistant·es de contrôle, 50 collègues des services de renseignement et plus de 60 agent·es sur les autres emplois manquent à l’appel sur les autres emplois. Le crépuscule approche dans les services de renseignements en droit du travail, où l’on est passé de 580 agent·es en 2009 à 347 en 220, soit une baisse de plus de 40 % des effectifs en dix ans.

La situation n’est pas meilleure dans les autres services. Au Pôle 3E, les effectifs ont été tellement saignés au cours des dernières années que le ministère a dû recruter en masse à des agent·es contractuel·les pour faire face à l’accroissement de la charge de travail générée par l’activité partielle. Et, avec la recrudescence des plans de sauvegarde de l’emploi, les services des mutations économiques ne sont même plus en mesure d’exercer les maigres possibilités de contrôle que la loi confère à l’État : dans certaines régions des plans sont d’ores et déjà homologués ou validés tacitement, alors que leur nombre va aller croissant au cours des prochains mois.

Les fonctions supports connaissent la même déliquescence. A force d’avoir supprimé des emplois et « mutualisé » les services informatiques, le ministère a été forcé de faire appel à des prestataires extérieurs, certainement payés plus cher que des agent·es statutaires, pour adapter le système informatique au travail à distance

Quant aux services RH, ces derniers ne sont tout simplement plus en mesure de remplir leurs fonctions de base : les syndicats sont ainsi de plus en plus fréquemment sollicités pour des retards ou des oublis de paye ou d’avancement.

Opposons nos revendications !

Face à ce naufrage, Elisabeth Borne nouvellement arrivée au ministère a pris l’engagement devant le comité technique ministériel les 19 et 20 octobre d’accélérer les recrutements pour résorber les intérims dans les unités de contrôle. Mais manifestement tout le monde n’a pas reçu le même message puisque dans le même temps les DIRECCTE continuent à faire disparaitre des sections, au prétexte d’atteindre la « cible OIT » d’un·e agent·e de contrôle pour 10 000 salarié·es.

Ainsi, en région Centre-Val-de-Loire, un projet de suppression de 18 sections a été présenté au CTSD en novembre de l’année dernière. Et en Grand Est, la direction vient d’indiquer aux représentant- es du personnel qu’elle prévoyait la suppression de 25 sections d’ici à 2022. De qui se moque-t-on ? D’un côté on promet des recrutements, de l’autre on supprime les postes sur lesquels ces recrutements sont censés s’opérer !

Dix ans de saignée dans les effectifs, auxquels s’ajoutent maintenant l’OTE, sont en passe de transformer le ministère du travail en ministère croupion, privé de toute réelle capacité d’intervention au service des usagers. Tout en détruisant pierre par pierre le ministère du travail, la ministre du travail en appelle sur les ondes aux agent·es pour contrôler le chômage partiel ou la mise en place effective du télétravail dans les entreprises.

La CGT TEFP rencontrera Mme Borne (à sa demande) le 5 mars prochain, elle demandera le respect de ses engagements concernant les recrutements pour pourvoir les postes vacants à l’inspection du travail et en conséquence l’abandon des projets de suppression de section. Elle portera l’exigence d’un plan de recrutement massif dans tous les services du ministère pour récréer les 2500 emplois supprimés ces dix dernières années.

 Elle invite à participer, aux côtés des fonctionnaires des autres ministères touchés par ces politiques d’austérité absurdes, aux mobilisations organisées dans le cadre de la campagne CGT « 10% pour la fonction publique » (https://ufsecgt.fr/spip.php?article8193).