Déclaration des élu·es CGT au CTM du 28 janvier 2020

Monsieur le directeur des ressources humaines,

Madame la secrétaire générale,

C’est après plusieurs reports que se tient ce CTM : nous nous en félicitons. Car si reports il y a eu, c’est en raison d’un mouvement social inédit par sa durée et sa radicalité contre la réforme inique de notre système de retraite qui a paralysé les transports publics ferroviaires et franciliens pendant plusieurs semaines, et qui se poursuit dans de nombreux secteurs.

Le mépris affiché par le gouvernement n’y change rien : le projet de réforme des retraites est massivement rejeté, le soutien de la population au mouvement d’opposition à ce projet ne faiblit pas et la contestation, malgré les nombreuses difficultés et la violence de la répression, prend de nouvelles formes pour, nous l’espérons, s’amplifier et durer, tant que le gouvernement n’entendra pas raison. La prochaine grève étant prévue mercredi 29 janvier, nous informons d’ailleurs que nous ne siègerons pas lors de la séance prévue demain.

Les agent·es du ministère du travail se mobilisent fortement : la journée du 24 janvier était la neuvième journée de mobilisation nationale interprofessionnelle et les taux de grévistes sont toujours proches des 20%, après une première journée où les services étaient quasi déserts ! Chacun-e sait combien la grève est un acte fort et qui coûte. Pourtant sept semaines après le début du conflit et des reconductions dans plusieurs villes, c’est près d’un collègue sur cinq qui est toujours dans la lutte. Les taux de grévistes, très largement minorés par l’administration – quand elle daigne les communiquer, ce qui est loin d’être le cas dans toutes les régions – sont un indicateur, mais il y en a d’autres.

Cette séquence n’est pas terminée. Nous continuons à appeler nos collègues à rejoindre la mobilisation, dans l’unité, pour obtenir le retrait de la réforme et soutiendrons toutes les formes de mobilisation et de convergence interprofessionnelle.

Ne croyez pas, toutefois, que le message porté dans les manifestations se concentre seulement sur la réforme des retraites et ne s’adresse pas à vous. Dans plusieurs régions, les collègues boycottent les intérims ou déposent leurs codes du travail pour protester contre le manque de moyens, le sous-effectif, le démantèlement rampant du ministère du travail. Ils puisent dans le mouvement les forces pour obtenir, en même temps, le recul du gouvernement sur la réforme des retraites et le recul du ministère sur sa politique de casse du service public.

Quelle réponse apportez-vous aux collègues qui ont déposé leur code du travail en Ile-de-France ou en Occitanie ? Entendez-vous la colère des collègues qui refusent d’assister aux vœux de leur directeur, tellement la coupe est pleine et l’hypocrisie insupportable ? Que répondez-vous aux collègues de l’UD 54 qui se sont ainsi exprimés :

« Après les menaces de sanctions en tout genre, le travail de dé-légitimation de notre hiérarchie, les désorganisations et autres plans de modernisation pour nous rendre plus « forts » l’annonce plus récente de nous désorganiser à nouveau pour nous réorganiser dans une DDI dont nous ne connaissons pas encore le nom mais qui devra être opérationnelle dans moins de six mois, il faut aujourd’hui absolument nous parler d’objectifs, de chiffres, de bâtons, de plans d’actions, appelez cela comme vous voudrez mais ne redites pas une seule fois que c’est pour rendre plus lisible l’action de l’inspection du travail pour mieux la préserver. Nous n’y avons jamais cru, les événements observés nous confortent et nous ne pouvons plus l’entendre. La réalité des baisses d’effectifs à laquelle nous sommes confrontés nous permet de vérifier que non seulement il n’en est rien, mais aussi que cette politique du chiffre contribue, avec le reste, à nous mettre la tête sous l’eau.

Compte-tenu du contexte rappelé à l’instant, nous vous annonçons tout de suite qu’il n’est plus possible d’envisager d’atteindre des objectifs que nous savons inatteignables d’autant que nous n’ignorons pas qu’ils sont à la hausse.

A la hausse ! C’est d’abord n’avoir aucune considération pour notre santé !

Cette course effrénée aux chiffres aboutit à une mise en concurrence et à des comparaisons stigmatisantes entre unités de contrôle et entre agents de contrôle. Ainsi, il y aurait les soi-disant « bons élèves » s’inscrivant dans les actions prioritaires et faisant du chiffre, et les soi-disant « mauvais élèves», n’en faisant pas ou pas assez !! C’est faire fi des injonctions paradoxales qui nous guettent en nous laissant arbitrer entre atteinte des objectifs pour la hiérarchie et réponses aux difficultés des usagers.

Augmenter les objectifs c’est aussi ignorer la violence qui règne dans le monde du travail et qui amène les salariés et leurs représentants à attendre beaucoup de nous et c’est normal.

Notre travail n’est pas une marchandise, arrêtons de tout vouloir quantifier et nous prendre pour des agents d’exécution, sans prise en compte de ce qui fait la richesse de notre métier, l’hétérogénéité et la complexité des situations de travail.

Cette prétention a tout vouloir objectiver, mesurer, et son pendant, la multiplication des procédures et autres productions écrites émanant de notre hiérarchie, participent de cette bureaucratisation interne à nos organisations, et aboutit à une perte de sens dans les activités et les tâches réalisés par les agents. Les agents sont marqués par un profond désenchantement dans l’exercice de leur métier, rendu de plus en plus difficile, face à la tendance de plus en plus forte de notre hiérarchie de nous faire intervenir sur des actions programmées, au détriment de la réponse à apporter aux usagers.

Aujourd’hui nous vous alertons, dans ce contexte, nous ne sommes plus en mesure de continuer à exercer nos missions de manière sereine. Entre colère, renoncement, et désengagement, la coupe est pleine… Si l’on cherche à démotiver encore plus les agents, on ne s’y prendrait pas mieux. Quand la conduite des actions n’est plus guidée que par l’atteinte ou non d’objectifs (déterminés de quelle manière ?), en faisant fi des réalités bien distinctes de chaque territoire, et que le sens donné à l’exercice de nos missions est à un stade avancé de décomposition, il est alors temps en qualité de fonctionnaire d’État, soucieux de maintenir un haut degré d’exigence en matière de service public et d’application du Code du Travail dans son ensemble, au sein des entreprises, de vous alerter sur l’impasse dans laquelle vous nous conduisez et le danger dans lequel vous mettez notre santé. »

Voilà l’état d’esprit dans les services !!

Le bilan de l’année 2019 – votre bilan – est catastrophique, sur tous les plans et nous sommes bien évidemment inquiet·es pour l’année 2020, mais nous sommes surtout déterminé.es à lutter : agent.es en souffrance, tentative de suicide, remise en cause de nos missions par la ministre et le Président, nouvelle réforme structurelle inutile et pathogène (la sixième en dix ans), gel du point d’indice, baisse d’effectifs, contrôleurs obligés de passer un énième concours, politique du chiffre revenant en force, procédures disciplinaires répétées et abusives à l’encontre de syndicalistes, inégalités salariales au détriment des femmes que l’administration ne résout pas, suppression du réseau de formation contre les violences sexistes et sexuelles, dialogue social en instances nationales inexistant caractérisé par la fameuse réponse « je reviens vers vous ».

Vous appliquez les politiques gouvernementales d’austérité. En interne, la réforme de l’OTE continue le sacrifice du service public. Aujourd’hui vous nous présentez un point d’étape de cette réforme, totalement vide ; vous ne fournissez aucune information concrète.

Comme si cela ne suffisait pas, nous avons reçu par mail des DRH locaux une fiche de synthèse sur la rupture conventionnelle dans la fonction publique, accompagnée d’un simulateur. Le message est clair : « si vous n’êtes pas contents, la porte est grande ouverte, il y encore bien trop de fonctionnaires ». C’est pourtant ces fonctionnaires qui portent à bout de bras ce qui reste du service public, mettant en danger leur santé physique et mentale. Jusqu’à quand ? Les agent.es sont à bout de souffle mais vous continuez, envers et contre tout.

Cette année encore nous voterons contre tous les projets qui sacrifient le service public, nos conditions de travail et nos conditions de vie au dogme de l’austérité et de la baisse des dépenses publiques ; qui attaquent nos libertés et droits d’expression ; ou qui placent encore un peu plus le ministère sous la tutelle du patronat.

Nous revendiquons donc :

  • le retrait de la réforme des retraites, le maintien et l’amélioration de tous les régimes existants pour un départ à taux plein, avec 100% du meilleur salaire, à 60 ans et 55 ans pour les métiers pénibles, sans pénalisation des interruptions de carrière et des temps partiels contraints ;
  • le dégel du point d’indice, rattrapage des pertes subies, intégration des primes au traitement ;
  • l’arrêt des suppressions d’effectifs, un plan de recrutement pour pourvoir les postes vacants et développer les services publics ;
  • dans le cadre de l’OTE : aucune mobilité forcée, droit au retour sur un poste garanti au ministère du travail ;
  • halte à la caporalisation de l’inspection du travail, à la course aux chiffres, aux sanctions ;
  • passage immédiat des CT en IT qui le souhaitent et plan de requalification de C en B.

Par ailleurs, vous avez fixé une réunion aujourd’hui et une réunion demain, un mercredi. A deux reprises, le 16 décembre 2019 et le 10 janvier 2020 nous vous avons demandé de respecter les dispositions de l’accord de du 9 mai 2017 relatif à la lutte contre les discriminations qui prévoit « l’organisation des réunions durant les plages habituelles de travail, telles que définies dans le règlement intérieur local, sauf circonstances exceptionnelles, en évitant le mercredi » – et ce afin de ne pas écarter les femmes qui, rappelons-le, représentent 90% des agent·es à temps partiels. Un autre syndicat vous l’a également rappelé. Il s’agit du troisième CTM fixé un mercredi depuis décembre 2019 et vous prévoyez un CTM, toujours un mercredi, au mois de septembre 2020. Les circonstances exceptionnelles n’existent donc pas puisque vous planifiez le mercredi, en toute connaissance de cause, malgré nos signalements. Nous sommes consterné·es ! Nous vous demandons de ne plus convoquer de réunion les mercredis, sauf réelles circonstances exceptionnelles et de modifier le planning prévisionnel  des réunions 2020.