Déclaration des élu·es CGT au CTM du 16 juillet 2019 (présidé par la ministre du travail)

Madame La Ministre,

Le 17 mai 2019, à Strasbourg, le lendemain de la diffusion du projet de circulaire qui est devenue officielle le 12 juin 2019 et qui est l’objet principal de notre réunion, Yves Struillou, DGT, déclarait, au sujet du démantèlement annoncé des services déconcentrés de notre Ministère :

« Je suis contre. La ministre s’est exprimée devant les responsables des services déconcentrés. Elle est opposée à cette solution. L’instruction qui circule n’est pas signée. Ce n’est pas arbitré. Ceux qui veulent la DDIsation font circuler des documents qui ont été établis à un certain niveau. Si on ne parlait pas de l’avenir de nos services, ça me ferait sourire. Je n’ai pas le feu vert, mais je franchis le stop. Je ne vais pas développer les raisons pour lesquelles je suis contre ce projet parce que nous serions pour une large part d’accord. Ça engendrerait un bouleversement. Je parle encore en franc. On remettrait quelques francs dans le jukebox sur une réorganisation, alors qu’on a besoin de stabilité, que les personnels ont besoin de lisibilité pour répondre à nos missions. »

 Monsieur Struillou s’est réfugié derrière l’argument « ce n’est pas signé » pour esquiver les très nombreuses questions que se posaient les agent·es sur les conséquences concrètes du bouleversement annoncé.

Soit il a menti effrontément, soit il était dans le déni le plus profond, soit le plus haut niveau de notre hiérarchie est totalement écarté du processus décisionnel qui a pourtant d’énormes conséquences… Dans tous les cas, quel crédit accorder à une hiérarchie qui n’a manifestement aucun poids sur les décisions qui concernent l’avenir de nos services ? Dans plusieurs régions, c’est même la préfecture qui convoque directement nos sections syndicales locales pour discuter de la réorganisation au détriment des CTSD où nos élu·es se voient immanquablement répondre par les directions locales qu’elles n’ont pas d’information à communiquer…

Alors que nous avons sollicité une réunion dès le mois de mai, le CTM est convoqué aujourd’hui seulement. Autant dire que cette fois, tout est évidemment arbitré et que cette convocation est de pure forme. Nous réitérons néanmoins notre opposition ferme à ce projet qui va se traduire par le démantèlement des unités départementales du ministère, par le placement de nos missions et de nos moyens sous la tutelle des préfet·es, par de nombreuses suppressions de postes. Ce projet engendrera inéluctablement une nouvelle dégradation de nos conditions de travail. Nous avons besoin de « stabilité » et de « lisibilité », certes, comme l’affirme Monsieur Struillou. Nous avons surtout besoin de moyens pour assumer nos missions de service public de proximité au service des travailleur·euses, avec ou sans emploi, avec ou sans papier ! Nous profitons de votre présence aujourd’hui pour vous le dire solennellement : les agent·es s’épuisent et sont en train de perdre pied, dans un contexte de perte totale de sens de nos métiers ; la situation n’est plus tenable, ça ne peut plus durer.

Comme les agent·es l’ont exprimé avec tous les syndicats du ministère du travail par différentes actions depuis la mi-mai, et notamment le 26 juin, nous revendiquons le maintien des UD, échelons départementaux des services du Ministère du travail, de tous leurs services et de tous les postes. Nous exigeons des recrutements massifs pour pourvoir les postes vacants, remplacer les nombreux départs et renforcer nos effectifs. Nous nous opposerons à toute mobilité forcée que la loi sur la fonction publique va favoriser. Nous avons pris bonne note de l’engagement pris par Madame Fourcade le 02 juillet (« Je veillerai personnellement à la préservation de vos conditions de travail ») ; elle sait ce qui lui reste à faire : satisfaire nos revendications ! Son message est cependant loin d’être neutre : il alimente l’inquiétude dans les services, tant dans les services déconcentrés que dans les services centraux, alors qu’aucune réponse concrète n’est apportée – le dernier exemple en date étant celui du CTAC du 18 juin dernier où vos services sont restés muets face à nos nombreuses questions.

A l’exception de la Guyane, nous n’avons aucune information sur les missions qui subiront la réorganisation, sur ses conséquences sur l’emploi et sur les moyens de nos services, sur l’organisation-cible, sur la ligne hiérarchique de l’inspection du travail. Pourtant, Mme Fourcade annonce que les syndicats seront invités à négocier un protocole d’accompagnement de la réforme – autrement dit un plan social – dans le cadre d’un « mercato » généralisé et ouvert à l’ensemble des agent·es ! D’ores-et-déjà, des pressions s’exercent sur les collègues pour les pousser, sinon vers la sortie, au moins vers les préfectures. Le scénario de la réforme territoriale, qui a consisté à discuter de l’accompagnement et des mobilités avant de parler des missions et des emplois, va se répéter avec un effet décuplé. Dans ce cadre, nous vous demandons bien évidemment de donner consigne au directeur des ressources humaines d’accepter l’expertise du CHSCTM dans le cadre voté dans sa délibération intersyndicale unanime du 11 juillet dernier, incluant toutes les unités départementales.

S’agissant de la Guyane, le projet de décret relatif à l’organisation des services de l’Etat soumis pour avis, sans aucune étude d’impact associée, correspond parfaitement à ce que nous dénonçons : face aux besoins croissants de la population, que nous ne contestons évidemment pas, vous faites croire qu’on pourrait faire mieux, avec moins ! Le problème ne serait donc pas le manque de moyen, mais un défaut d’organisation. Nous ne pouvons évidemment que dénoncer cette logique !

Dans ce contexte très dégradé, nous tenons évidemment à évoquer les conséquences du CRIT, concours profondément injuste, qui ajoute de la détresse aux inquiétudes suscitées par la réorganisation des services. En faut-il encore plus ? Nous vous demandons de faire cesser cette mascarade qui dure depuis trop longtemps et, comme vous vous y étiez engagée, d’intervenir auprès de Bercy afin que toutes et tous les contrôleurs·euses qui le désirent accèdent au corps de l’inspection du travail sans délai et se débarrassent enfin de l’épée de Damoclès pesant sur leur avenir.

Vous soumettez à ce CTM les orientations de la politique indemnitaire pour l’année 2019. Cette consultation est déjà hors de propos puisque le CIA est déjà mis en paiement dans la plupart des régions. Elle montre surtout que vos services ne tirent aucune conclusion de leurs propres bilans : tout est reconduit comme l’année passée, même les pires injustices et notamment la revalorisation de l’IFSE spécialement dédiée aux RUC. Si argent il y a, qu’il serve d’abord à corriger les écarts constatés dans vos documents entre régions, entre directions, entre catégories et, dans tous les cas, au détriment des femmes. Ces bilans soulignent d’ailleurs l’échec du RIFSEEP puisque les critères d’attribution du CIA sont reconnus « difficilement objectivables » – et donc arbitraires – et que l’IFSE est jugée peu lisible dans ses règles et son fonctionnement. Vos services évoquent donc des « grilles de référence », nous proposons la nôtre : l’intégration des primes au traitement et une hausse de 65 points d’indice pour toutes et tous.

Cerise sur le gâteau, vous proposez une réforme du concours de l’inspection du travail que nous jugeons inacceptable. Nous refusons la présence dans les jurys d’un·e psychologue et de « personnes qualifié·es du monde de l’entreprise » qui pourront donc appartenir au patronat et même être désigné·es à la présidence avec voix prépondérante. Nous ne voulons pas que le MEDEF puisse juger de qui sera apte à contrôler les entreprises !

Enfin, on voudrait faire mentir l’adage populaire selon lequel « Les cordonnier·es sont les plus mal chaussé·es », mais force est de constater que les pratiques discriminatoires et discriminantes sont monnaie courante au ministère du travail, à tel point que la presse nationale s’en fait l’écho ! Quant à l’accord du 9 mai 2017 sur l’égalité de traitement et la lutte contre les discriminations dans les services du Ministère chargé du travail et de l’emploi, il est tout simplement en train de tourner à la farce : comme les pires employeurs, vos directeurs régionaux s’exonèrent et refusent, purement et simplement, de mener les enquêtes prévues, sans même le notifier officiellement à celles et ceux qui ont le courage de faire un signalement, prenant évidemment le risque d’être définitivement « black-listé·es ».

Nous dénonçons tout particulièrement le traitement réservé aux militant·es syndicaux·ales, notamment celles et ceux de notre organisation et de Sud-Tas. Depuis votre arrivée à la tête de ce ministère, nous avons assisté à une véritable escalade : procédures disciplinaires répétées et abusives, appels formés alors que nos militant·es l’emportent devant les juridictions compétentes et, carrément, plainte pénale déposée contre des syndicalistes, dont une représentante de cette instance dont le syndicat n’a fait que rendre public ce que nos responsables écrivent, ce qui ne devrait par conséquent pas leur poser l’ombre d’un souci ! Cette chasse aux sorcières doit évidemment prendre fin ! Nos collègues, qui signent massivement notre appel en défense du droit d’expression, ne s’y trompent pas : c’est l’omerta imposée sur les suppressions de postes qui les choque et non l’action syndicale !  Nous vous demandons de nous confirmer le retrait de la plainte et l’abandon de la procédure disciplinaire.