Compte-rendu du CHSCT-M du 11 décembre 2015

Déclaration des élue/s CGT-SNUTEFE-FO

Nous souhaitons évidemment commencer cette réunion en revenant sur la condamnation prononcée à l’encontre de notre collègue, le vendredi 4 décembre 2015. Madame Laura Pfeiffer, Inspectrice du travail à Annecy, a été reconnue coupable des faits de violation du secret professionnel et recel de documents suite à l’assignation de l’entreprise Tefal exercée à son encontre.

Notre collègue a été condamnée pour avoir dénoncé les pressions indues de Tefal à son encontre, tant auprès de sa hiérarchie que du CNIT et pour avoir sollicité le soutien des organisations syndicales.

Dans cette affaire, l’administration :

  • a refusé de reconnaître les pressions dont était victime notre collègue,
  • a soutenu le RUT et le DIRECCTE contre notre collègue,
  • a refusé de reconnaître ses arrêts de travail en accidents de service,
  • a refusé de dénoncer publiquement les agissements de TEFAL,
  • n’était même pas représentée à l’audience.

L’administration du travail est par conséquent directement responsable de la dégradation des conditions de travail et de l’état de santé de notre collègue ; elle n’a pas joué son rôle de protection et de gardienne de l’indépendance de l’inspection du travail. Et ceci malgré un avis du CNIT reconnaissant l’existence de pressions extérieures indues à l’encontre de notre collègue.

Au-delà de la situation individuelle de notre collègue, l’ensemble des agents de contrôle, notamment ceux de l’UT 74, sont fortement déstabilisés par cette affaire. Outre les propos scandaleux repris par le journal L’Humanité qu’il n’a que très partiellement démentis, le Procureur de la République a tenu dans le cadre de l’audience un discours confirmant tout le mépris qu’il a pour les agents de l’inspection du travail. Il n’a pas hésité à accuser l’un de nos collègues de l’UT 74 de mentir sous serment ! Comment continuer à travailler en lien avec le Parquet dans ce département ?

Face à une telle attaque, le courrier de la Ministre n’est évidemment pas suffisant. Elle ne répond toujours pas sur les demandes de soutien public et de reconnaissance des accidents de service. Nous exigeons de l’administration, donc de la Ministre, qu’elle s’exprime publiquement pour soutenir  l’action de l’inspection du travail et de Laura Pfeiffer e qu’elle dénonce les pressions exercées par Tefal. Nous demandons que la Ministre reconnaisse les arrêts de travail successifs de notre collègue en accidents de service. Enfin, la Ministre doit réaffirmer que chaque agent doit pouvoir communiquer aux organisations syndicales de son choix les documents nécessaires à sa défense ou de nature à prouver une atteinte à l’exercice de ses missions ; que ces transmissions ne constituent évidemment pas une violation du secret professionnel.

Compte-tenu de la situation liée à la condamnation de notre collègue, compte-tenu de votre refus de traiter des sujets que nous voulons examiner, nous ne discuterons aujourd’hui que de la réforme territoriale parce qu’elle se met en œuvre au 1er janvier 2016, sur la base de votre calendrier que nous subissons.

Sur l’ordre du jour de la réunion, nous constatons en effet, qu’une nouvelle fois, il n’est pas le fruit d’un accord entre le président et le secrétaire de l’instance : vous conservez les seuls points que vous voulez bien traiter. Il y a pourtant urgence, s’agissant d’un certain nombre des points que vous avez rejetés (organisation du travail suite au déploiement de WIKI’T, refus d’expertise risque grave dans un service renseignement, modalités de reconnaissance des accidents de service liés aux RPS, situations discriminatoires). Les éléments communiqués par écrit hier matin ne sont en aucun cas suffisants et ne remplacent pas une indispensable discussion en séance. S’agissant des désaccords sérieux et persistants, vous ne pouvez pas vous réfugier derrière l’absence de réponse de la DGAFP : les dispositions du décret de 82 sont claires et à moins qu’il ne soit modifié pour créer une exception pour nos services, il vous appartient de saisir les inspecteurs du travail territorialement compétents. S’agissant de WIKI’T, vous continuez manifestement à considérer qu’il n’y a pas de problème majeur dans le cadre du déploiement de cet outil, alors que les remontées du terrain sont catastrophiques et confirment les résultats de notre enquête.

Sur le « programme annuel de prévention des risques », nous ne souhaitons pas en discuter aujourd’hui, mais nous tenons néanmoins à dénoncer la vacuité du document que vous nous avez transmis. Dès lors que l’analyse des risques n’a pas été correctement réalisée (nous sommes toujours dans l’attente des éléments demandés en février 2015), cette vacuité n’a cependant rien de surprenant. Il nous semble particulièrement significatif que l’analyse des risques soit listée comme un moyen de prévention ! Il s’agit d’une condition nécessaire à la définition des actions de prévention et non, évidemment, une mesure de prévention. Dans le cadre de cette déclaration préalable nous pointerons deux exemples :

  • sur le risque amiante, les actions sont limitées au suivi post-professionnel et à l’actualisation d’une note méthodologique qui ne concerne que les contrôles en zone : rien sur les expositions dans le cadre des contrôles des chantiers « sauvages » de matériaux amiantés ; rien sur les expositions passives dans le cadre de nos locaux, risque pourtant bien réel comme la situation dans plusieurs services, à Compiègne, mais pas seulement, le démontre ;
  • sur les risques psychosociaux, alors que la situation dans les services est particulièrement difficile, seuls les risques de conflits et d’agressions sont vaguement évoqués, avec des actions qui ne répondent en rien aux problèmes constatés ; ce n’est pourtant pas faute de vous faire régulièrement remonter des informations relatives à des situations particulièrement caractérisées (Rouen, Cherbourg, Châlons-en-Champagne, Tours, …) dans lesquelles l’administration reconnaît elle-même l’existence de situations de risques graves ;

Vous l’aurez compris, le document présenté ne nous semble en aucun cas constituer une base sérieuse de travail ; il ne correspond pas même à vos obligations réglementaires (des mesures précises et chiffrées). Nous vous demandons bien évidemment de le revoir complètement si vous souhaitez que nous en discutions réellement. Évidemment, nous n’accepterons pas que vous contentiez de renvoyer à un groupe de travail qui se réunirait selon des conditions que vous seriez seul à déterminer (une telle méthode n’est d’ailleurs pas celle sur laquelle s’est engagée la Ministre dans le cadre de son discours au CTM du 19/11/2015 ; nous sommes en effet particulièrement éloignés d’une démarche « respectueuse des instances » et « ouvrant des temps de travail et de concertation suffisants »).

Sur la réforme territoriale, seul point dont nous souhaitons discuter aujourd’hui, l’analyse de l’ensemble des études d’impact montre qu’aucune analyse sérieuse des risques n’a été réalisée, contrairement aux exigences réglementaires. Les mesures préconisées sont au mieux insuffisantes, au pire totalement inadaptées. Nos services ne sont pas les seuls concernés, puisque le constat est le même dans les autres CHSCT ministériels sociaux ; nous vous remettons la déclaration commune dénonçant cette situation, signée par les représentants des agents de toutes les organisations syndicales, des trois ministères sociaux. Nous en ferons lecture à l’issue de cette déclaration préalable. Dans le cadre des CHSCT R conjoints, l’administration refuse systématiquement les demandes d’expertise, alors que les manques en matière d’analyse sont criants. Dans une région, le directeur régional préfigurateur est allé jusqu’à dire qu’il n’aurait pas suffisamment d’éléments à transmettre à l’expert désigné pour qu’il puisse travailler sérieusement ! C’est un comble ! Vous reconnaissez pourtant bien que les problèmes sont réels puisque que plusieurs DIRECCTE proposent de recourir, à partir de 2016, à l’intervention de consultants extérieurs. Les refus opposés par l’administration ne sont pas fondés. Nous demandons l’annulation de ces décisions et la réalisation des expertises décidées par les représentants des agents. Les CHSCTR doivent avoir les informations nécessaires, s’agissant de toutes les organisations du travail modifiées et, ensuite, être consultés sur chacune des modifications envisagées, avant qu’elles ne soient mises en œuvre.


Compte-rendu CGT-SNUTEFE du CHSCT-M

Cette réunion du CHSCT Ministériel du 11 décembre se tenait une semaine après la condamnation de Laura Pfeiffer pour recel et violation du secret professionnel.
Nous nous sommes largement fait l’écho, dans notre déclaration intersyndicale CGT-FO-SNUTEFE et dans les débats qui ont suivi, de la stupéfaction et la colère qu’a suscité cette condamnation au sein des services.

Le DRH n’a pas daigné répondre, ni sur nos demandes de reconnaissance des arrêts de travail de Laura Pfeiffer en accidents de service et de soutien public de la Ministre de l’action de l’inspection du travail, ni sur les conditions de travail dégradées de Laura et des agents du 74. Ces questions seraient, selon M. BLONDEL, très peu en rapport avec les conditions de travail des agents et la compétence du CHSCT-M (sic !). Nous avions notamment demandé que soit traité à cette réunion la question des reconnaissances des accidents de service de type RPS, suite à la diffusion sur Paco d’une note demandant de saisir obligatoirement la commission de réforme, ce que l’administration a refusé.

La déclaration préalable a été suivie de la lecture du communiqué intersyndical dénonçant les conditions de mise en œuvre de la réforme territoriale, signé par toutes les organisations syndicales représentées dans les 3 CHSCT-M des ministères sociaux.

Compte tenu de ce contexte particulier et parce que l’administration a catégoriquement refusé de traiter des points qui nous semblaient particulièrement urgents (WIKI’T, refus d’expertise sur la réforme territoriale, situations discriminatoires,…), nous avons décidé de ne débattre que de la réforme territoriale, en raison de sa mise en oeuvre, maintenue au 1er janvier 2016, malgré les très nombreux signes d’alerte dans les régions concernées. Les autres points à l’ordre du jour (approbation du PV de la réunion du mois d’avril 2015, présentation du programme annuel de prévention et présentation de la lettre de mission de la conseillère nationale de prévention) ont donc dû être discutés après notre départ de la réunion avec les organisations syndicales CFDT et UNSA.

Après d’âpres discussions sur le fonctionnement du CHSCT-M (refus d’inscrire à l’ordre du jour des points demandés par le secrétaire et la plupart des organisations syndicales, mise en place par l’administration de groupes de travail non décidés par l’instance) et sur notre demande d’inversement de l’ordre du jour de la réunion (pourtant de droit dans le règlement intérieur du CHSCT-M, lorsqu’il est demandé par la majorité des membres), nous avons pu débattre de la réforme territoriale.

Le DRH a rappelé les étapes de la réforme territoriale, précisant que les consultations des comités techniques étaient actuellement en cours. Il a concédé que les conditions d’un « dialogue social de qualité » n’avaient pas été réunies, contrairement aux engagements du Premier Ministre, en raison du « calendrier contraint ». Entendez qu’il assume s’être assis sur ses obligations en matière de consultation des agents et de leur représentants pour aller le plus vite possible !
Un plan d’accompagnement RH en cours d’élaboration devrait être finalisé fin janvier 2016 et soumis à la consultation du Comité Technique Ministériel mais pas du CHSCT M … Une note nationale de cadrage sur les modalités des pré-positionnements sera diffusée d’ici la fin de la semaine 51.

Pour la DRH, Les études d’impact et les micro-organigrammes qui ont été établis dans chaque nouvelle grande région ont permis d’identifier les conséquences de la réforme en termes de mouvement de personnel : en principe, peu de mobilité géographique, mais un nombre important de mobilités fonctionnelles. Ces études d’impact mettent surtout en évidence le vrai visage de la réforme : des réductions conséquentes d’effectif !

Nous avons souligné que le nombre de postes de travail substantiellement modifiés était sous-estimé dans les études d’impact remises aux représentants du personnel.

Le DRH a reconnu que les études d’impact devaient être approfondies, en particulier sur leur volet « analyses des risques » ; le calendrier contraint pour la mise en place des nouvelles organisations de travail n’avait pas permis à ce stade d’effectuer le travail détaillé et approfondi qui est nécessaire.

Malgré cela, il n’est évidemment pas question de décaler le calendrier manifestement sacré de la réforme : les organisations de travail entreront bien en vigueur au 1er janvier 2016. Selon le DRH, elles pourront, si nécessaire, évoluer et/ou être ajustées au cours des trois années à venir.

Nous avons rappelé que la mise en place de ces organisations de travail sans analyse préalable des risques n’était pas sérieuse et que les conséquences en matière de santé et de conditions de travail des agents pourraient être irrémédiables.

Nous avons demandé à ce qu’un recensement des situations de souffrance, en lien avec la réforme territoriale, soit opéré dans les services et que des enquêtes soient diligentées pour comprendre en quoi l’organisation du travail peut favoriser l’émergence de situations pathogènes. Les trois années d’incertitude à venir peuvent certes permettre de corriger certaines erreurs, mais seront source d’inquiétude pour des agents ne sachant pas si leur poste sera maintenu.

Interrogé sur la consultation des CHSCT Régionaux sur la réforme territoriale, le DRH considère que seuls les CTSD doivent être consultés ; les CHSCT n’ont à l’être qu’à l’occasion de l’élaboration de plans de prévention pour prévenir les risques professionnels en lien avec la réforme. Cette position, en lien avec l’arrêt CE Sud éducation de juillet 2014, n’est évidemment pas la nôtre.

Concernant les expertises votées en CHSCT-R (à ce jour, selon le DRH, au nombre de 5 : en Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne ; en Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin ; en Basse-Normandie-Haute-Normandie ; en Nord-Pas-de-Calais-Picardie ; en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées), le DRH a confirmé que les refus opposés à ces expertises résultaient de consignes strictes au niveau national avec la MICORE et le Ministère de la Fonction publique, qui ont estimé que les conditions n’étaient pas réunies à ce stade pour y donner suite. Renseignement pris après la réunion, les CHSCT de la région Auvergne-Rhône Alpes ont bien demandé une expertise qui leur a été refusé par le DIRECCTE préfigurateur.

Cela étant, cette question des expertises pourra être rediscutée à compter de janvier 2016 dans les CHSCT régionaux, et leur opportunité appréciée en fonction des situations locales. Dixit M. Blondel, « le refus de toute expertise ad vitam aeternam n’est pas tenable » et « la responsabilité des présidents de CHSCT est engagée ».

Le DRH nous fait ainsi comprendre qu’il n’y aurait plus de blocage national de principe pour les expertises demandées par les CHSCT R ; il appartient aux Direccte / Présidents de CHSCT (qui seront nommés le 4 janvier 2016) d’apprécier la situation et d’y réserver une suite favorable ou non. Le DRH a cependant rappelé que l’expertise n’était pas « la seule solution ». L’analyse et la position du DRH nous semblent particulièrement éloignées des dispositions réglementaires, notamment celles de l’article 55 du décret 82-453 qui prévoit que le CHSCT peut se faire appel à un expert agréé en cas de risque grave ou en cas de projet important. Dans le cadre d’un projet d’une telle ampleur que celui de la réforme territoriale, il nous semble particulièrement évident que le recours à l’expertise est justifiée. Les CHSCT-R doivent être vigilant sur ce point car l’optique serait de recourir à des experts CHSCT en dehors de l’article 55, c’est-à-dire des experts répondant aux demandes d’accompagnement des DIRECCTE et non piloté par les CHSCT.

Parallèlement, nous avons également abordé la question de la désignation éventuelle d’un expert national et de l’élaboration d’une méthodologie de travail permettant aux membres du CHSCT-M de suivre sérieusement les conditions de mises en oeuvre de la réforme territoriale dans les régions. Rien n’a été arrêté à ce jour. La DRH doit nous faire des propositions.

S’agissant du fonctionnement des CHSCT conjoints, le DRH a confirmé que la fonction publique souhaitait maintenir ce mode d’organisation jusqu’aux prochaines élections de représentativité en 2018. Il a été rappelé qu’il appartient au DIRECCTE de décider, selon les sujets, de réunir ou non conjointement les CHSCT-R concernés. Il ne s’agit pas d’un mode de fonctionnement obligatoire.

Enfin concernant les unités territoriales dites de « taille critique », M. Blondel a rappelé qu’il n’y avait pas eu de décision de suppression d’UT dans le cadre de la réforme territoriale ; que néanmoins les problématiques de l’inter-départementalité et de la mutualisation des fonctions support dans ces UT devaient continuer à être analysées et discutées.

En résumé :

  • de grandes difficultés sur la forme des débats : le DRH n’accepte de traiter que les sujets qui l’intéressent. Nous attendons toujours de voir ce que va être l’amélioration du dialogue social promise par notre nouvelle ministre ;
  • sur la réforme territoriale : nous devons renforcer notre vigilance et nos exigences pour obtenir de véritables expertises, de véritables plans d’actions pour accompagner la réforme et surveiller les DIRECCTE préfigurateurs qui brillent trop souvent par leur excès de zèle ;
  • sur le plan d’actions 2016 pour la santé au travail des agents, nous voulons un véritable échange sur le fond qui permette de construire un projet à la hauteur des enjeux, des difficultés et de la souffrance que connaissent actuellement les services confrontés à des réformes sans dialogue social ni écoute des agents.

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