Bas les masques : la DGT responsable et coupable

C’est au détour d’une courte fiche portant sur « La mise à disposition de masques de type FFP2 dans les secteurs médicaux et médico-sociaux en période de pandémie covid-19 » diffusée à l’encadrement le 30 décembre 2020 par le numéro 2 de la DGT que les masques sont tombés.

Cette note présente pour la première fois [en la distinguant de « la doctrine des autorités sanitaires » qui réserve les masques FFP2 aux seuls soignants réalisant des actes invasifs] la « doctrine du ministère du travail » (sic !). Elle préconise nouvellement, dans certaines situations, le port de ces masques par les salariés des secteurs médicaux et médico-sociaux « y compris pour des postes de travail qui ne nécessitent pas de gestes invasifs ou de manœuvre sur les voies respiratoires ». Tout en essayant de ne pas trop se désavouer, la note prévoit le port de ce type de masque pour les salariés lors de « soins visant à (…) réaliser la toilette (douche), à s’occuper d’une personne alitée et à mobilité réduite (habillage, toilette, administration de médicaments) ou souffrant de troubles cognitifs, ou à nourrir une personne ».

Il aura donc fallu attendre le 30 décembre 2020, soit plus de dix mois après le début de l’épidémie, pour que la Direction Générale du Travail s’affranchisse enfin, sur la question des masques, de la doctrine des autorités sanitaires. Ce retard exorbitant et incompréhensible est lourdement coupable. Car, en renonçant à affirmer « sa doctrine » dès le début de la crise sanitaire, et en se plaçant d’emblée « sous la tutelle » du Ministère de la santé, le Ministère du travail a abdiqué ses missions essentielles de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, laissant des centaines de milliers de salariés exposés au virus sans protection appropriée.

La DGT a tout fait pour empêcher l’inspection du travail de préconiser des masques FFP2

Encore plus grave : pendant ces dix longs mois, la DGT ne s’est pas seulement abstenue d’agir ; à l’inverse , elle a tout fait pour empêcher l’inspection du travail de préconiser le port de masques FFP2 dans les situations de travail qui pouvaient le justifier, de même qu’elle a freiné des quatre fers pour voir appliquer les dispositions réglementaires relatives aux agents biologiques pathogènes au SARS-CoV-2, finalement classé dans la liste des agents biologiques pathogènes de groupe 3 par un arrêté du 18 décembre 2020.

Les pressions et les menaces à l’encontre des agent·es qui voulaient user des prérogatives qui leur sont dévolues par les textes se sont multipliées. Pendant le premier confinement, des instructions ont imposé aux inspecteur·trcies et contrôleur·euses du travail de recueillir l’aval de leur hiérarchie et de prévenir les employeurs avant tout contrôle. Une plainte été déposé auprès du BIT.

La DGT est allée jusqu’à suspendre, puis sanctionner, notre collègue Anthony Smith en lui faisant grief d’avoir « conduit son action en méconnaissance des missions essentielles du système d’inspection » en « se refusant à tout discernement à l’égard d’une association d’aide à domicile en période de crise sanitaire » parce qu’il demandait notamment au juge judiciaire de fournir « à chaque salarié amené à intervenir au domicile des patients (conformément aux articles R4424-3 et R4424-5 du code du travail) des masques FFP2 ou FFP3 (…) pour réaliser les tâches qui ne peuvent l’être en respectant les règles de distanciation sociales préconisées par les pouvoirs publics ce qui est notamment le cas pour les interventions suivantes (…) aide à la toilette ; toilette complète ; lever ; coucher ; transfert ; change ; aide à la prise des repas ».

La DGT a failli à ses missions. En plein désastre sanitaire, au moment où les salaries avait plus que jamais besoin de protection, elle a cédé aux autorités politiques qui n’ont eu d’autre objectif, pendant cette période, que de « liquider » les dispositions protectrices du Code du travail.

Résister face au rouleau compresseur du « système d’inspection du travail »

Cette inversion totale des valeurs a été couplée avec une vision autoritaire des rapports sociaux dans le ministère (code de déontologie, multiplication des procédures disciplinaires, etc.) où l’autorité centrale, s’appuyant sur un encadrement à la dérive, fait essentiellement fonction de geôlier.

Face au rouleau compresseur du « système d’inspection du travail » qui entend faire de nous des « agent·es » interchangeables sous le contrôle d’une ligne hiérarchique souvent docile, nous défendons la solidarité entre les collègues au sein des collectifs de travail. Ils tentent de nous briser, nous résistons !

Multiplions-les, ces petits actes de résistance individuelle, mais surtout et avant tout de résistance collective, comme les boycotts « d’outils », de réunions. Favorisons les échanges hors hiérarchie qui essaiment ici où là. Surtout, usons encore et toujours de nos prérogatives, usons du Code du travail et de la règlementation dans ce qu’elle contient encore de « pouvoirs propres » et de dispositions protectrices des droits de la partie faible du contrat.

Les inspecteur·trices et contrôleur·euses du travail s’inscrivent dans une histoire et sont un maillon essentiel qui est tout sauf neutre : ils sont aux côtés des travailleurs pour défendre un code du travail protecteur des droits des salariés !

Tous ensemble défendons l’inspection du travail ; rejoignons l’appel interprofessionnel à la grève du 4 février 2021 et faisons de cette journée un moment fort pour porter haut le rapport de force face à nos directions !

« Vous êtes une paille dans l’échantillon, Winston, une tache qui doit être effacée. Est-ce que je ne viens pas de vous dire que nous sommes différents des persécuteurs du passé ? Nous ne nous contentons pas d’une obéissance négative, ni même de la plus abjecte soumission. Quand, finalement, vous vous rendez à nous, ce doit être de votre propre volonté. Nous ne détruisons pas l’hérétique parce qu’il nous résiste. Tant qu’il nous résiste, nous ne le détruisons jamais. Nous le convertissons. Nous captons son âme, nous lui donnons une autre forme. Nous lui enlevons et brûlons tout mal et toute illusion. Nous l’amenons à nous, pas seulement en apparence, mais réellement, de coeur et d’âme. Avant de le tuer, nous en faisons un des nôtre. » George Orwell, 1984

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