Affaire Tefal : la mobilisation payera, relaxe pour Laura ! Compte-rendu intersyndical du rassemblement du 12 septembre 2019 à Lyon

Ce jeudi 12 septembre, nous étions plus de 300 réunis, sous le soleil, devant la cour d’appel de Lyon pour soutenir une nouvelle fois notre collègue Laura, défendre l’inspection du travail et le sens de nos missions, dénoncer les collusions entre notre administration et les organisations patronales, révéler les incohérences de la justice dans l’affaire Téfal.

Les syndicats interprofessionnels et confédéraux étaient pleinement au rendez-vous, parties prenantes de son organisation, manifestant le soutien des salarié·es, venu·es nombreux·ses pour soutenir l’inspection du travail. Nous les remercions pour ce soutien et cette aide.

La compagnie LACSE a dirigé de main de maître la pièce de théâtre jouée devant le palais de justice, dénonçant les inepties de l’affaire Tefal et perçant à jour les évolutions néfastes de la politique du chiffre.

La presse était présente pour relayer l’évènement et nous vous invitons à consulter les liens suivants :

Un compte-rendu en direct des débats a été posté sur Twitter par deux syndicats membres de notre intersyndicale, à consulter là ->https://twitter.com/cgt_tefp/status/1172093478865645571?s=20 et là -> https://twitter.com/FsuSnu/status/1172100855509729280?s=20

L’audience a été particulièrement longue et difficile pour notre collègue qui s’est exprimée pendant plus d’une heure. Elle a notamment commencé par être longuement questionnée sur l’enchaînement des événements, les raisons de sa saisine du CNIT et surtout celle des syndicats. L’absence supposée de contradictoire concernant la véracité des documents en sa possession sera aussi abordé.

La partie civile est ensuite entrée en scène pour nous gratifier une nouvelle fois d’un lamento stupéfiant concernant l’entreprise Tefal, pseudo-victime, poussant le ridicule jusqu’à évoquer, la souffrance de cette société.

A cet égard Me Aguera, avocat de Tefal mais aussi avocat patronal bien connu dans la région lyonnaise commencera par nous gratifier de quelques perles pour tenter de faire pleurer l’assistance :
« ce matin les réseaux sociaux s’acharnent contre Tefal ! » ;
« dehors il y a une scène, comme en première instance, où on singe notre rôle. Tout ceci sans respect du contradictoire et sans même respect de l’institution judiciaire ! Et avec des jeux de mots faciles. »

Il y aurait trois « maelströms » dans cette affaire. Tout d’abord une « lessiveuse médiatique » dont serait victime cette pauvre société Tefal. Ensuite comme en première instance, Aguera tente à nouveau de nous expliquer qu’il n’y a pas d’affaire Tefal mais un simple problème relationnel « grave » et « sérieux » entre Laura et son RUD de l’époque qui précéderait l’affaire Tefal. Enfin de méchants syndicats (dont « la CNT dont on connait l’affiliation philosophique ») qui cherchent juste à profiter de l’affaire pour lutter contre la réforme Sapin.

Face à cela Aguera se fait le défenseur de la « société démocratique », car enfin Tefal a le droit de s’exprimer. Les manœuvres de Tefal pour évincer Laura ? Un simple exercice de la liberté d’expression (si, si!). Il n’y aurait donc pas atteinte à l’indépendance mais une expression auprès du Medef, du RUD, etc. : « On discute de la possibilité pour le RUD de changer l’inspectrice de section, et alors ?! », « ils discutent de l’emploi d’un jeune, et alors ? ». Si on peut plus s’exprimer alors…Et
Aguera de conclure sentencieux : « Je plaide le droit d’exprimer son opinion ! ».

Et si par hasard, il y avait un problème, une suspicion d’infractions il suffisait de saisir le procureur, car « il faut faire confiance au procureur de la République » (celui qui disait vouloir « faire le ménage à l’inspection »). Or le procureur a classé tous les PV, donc circulez y a rien à voir !

Comme à son habitude Aguera fera également montre de tout son mépris, pour ne pas dire haine, de classe, agrémentant sa plaidoirie de quelques saillies : « il y a une atmosphère qui flotte ici, et ça vocifère en bas ». « Est-ce que nous voulons une société où les juges ne seraient que les exécutants de la vindicte populaire. C’est ça que nous voulons ??!! » Et presque en hurlant : « le procureur de la République c’est l’autorité légitime, c’est pas les syndicats, c’est pas « L’Humanité », c’est pas « Mediapart » ! ».

Sur le fond et le statut de lanceur d’alerte Aguera estime sans surprise que Laura ne peut s’en prévaloir.

Tout d’abord l’alerte doit être désintéressée et selon Aguera le lanceur d’alerte, pour être désintéressé, ne doit pas être affecté par le trouble qu’il dénonce. Ce faisant il individualise la question, comme si Laura ou le salarié de TEFAL licencié avaient tiré profit de l’affaire, en oubliant que c’était bien la fonction d’inspectrice du travail qui était attaquée par Tefal.

Ensuite on reproche à Laura de ne pas avoir respecté strictement la procédure prévue pour les lanceurs d’alerte… procédure datant de la loi Sapin de 2016 et que, par définition, elle ne pouvait pas connaître en 2013.

Puis il a fallu supporter les réquisitions de l’avocat général : le Parquet reprend peu ou prou les arguments de l’avocat de Tefal, sans le folklore. Tefal n’aurait commis aucune infraction car des procédures ont été établies et classées sans suite. En revanche les infractions concernant Laura et l’ex salarié de Tefal seraient parfaitement constituées. Au passage, le procureur soutiendra curieusement que « limiter le secret professionnel aux secrets de fabrication et à la confidentialité des plaintes » (c’est-à-dire aux textes réellement existants) ne serait pas « sérieux ». La seule question serait donc celle de l’application du statut lanceur d’alerte. L’avocat général osera soutenir que Laura « n’était pas attaquée et n’avait donc pas besoin de se défendre ».

Sur les conditions à remplir pour en bénéficier, le parquet reprend les arguments de la partie civile. L’alerte ne serait pas désintéressée, et Laura n’aurait pas respecté la procédure du lanceur d’alerte. Ainsi, si la forme de la plaidoirie est différente, sur le fond l’avocat général conclura en demandant la confirmation des condamnations.

Enfin la défense de notre collègue a pu s’exprimer à 18h00. Elle démontrera que l’alerte était bien désintéressée (ils n’ont rien récolté si ce n’est des ennuis dans cette affaire), que ce n’était bien la fonction de contrôle qui était attaquée (Tefal parlera d’inspecteur « du même acabit » concernant celui qui remplacera Laura). Sur la procédure, elle rappellera que la hiérarchie a bien été alertée : tout d’abord la DAT qui ne voulait rien savoir, puis la DGT, informée par un mel de Laura juste avant la saisine du CNIT. Chose que tout le monde semble avoir oublié. Une fois l’alerte hiérarchique faite Laura était légitime a saisir l’autorité judiciaire et les organisations syndicales qui défendent les intérêts de la profession. Car, faut-il le rappeler, c’est bien là l’enjeu, et le CNIT a reconnu les pressions extérieures indues.

La défense expliquera que la loi Sapin est jeune et que le parquet en fait une application très restrictive en tordant le texte, elle l’éclairera à l’aune du droit européen, beaucoup plus protecteur des droits des lanceurs d’alerte.

Me Leclerc conclura en redonnant du sens à cette affaire et en relégitimant l’action de contrôle de l’inspection du travail car « L’inspection du travail, ce n’est pas rien » : on retiendra ces mots de la plaidoirie, qu’on aurait aimé voir illustrée par la présence de la Direction Générale du Travail qui s’obstine dans un silence coupable, brillant ainsi par sa collusion implicite avec le patronat dans cette affaire malgré le désaveu du CNIT.

Le délibéré sera rendu le 24 octobre à 13h30.

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