Déclaration des élu·es CGT au CTM Travail-Emploi du 2 décembre 2021

Monsieur Le DRH,

La dégradation brutale de la situation sanitaire, avec 50.000 nouvelles contaminations enregistrées hier et une courbe fortement ascendante, nous contraint à débuter notre déclaration préalable en vous demandant d’être particulièrement ferme et clair sur les mesures à prendre dans les services pour protéger les agent.e.s, à commencer par le généralisation du télétravail et l’interdiction des réunions en présentiel, au moins jusqu’à la fin de l’année. Les rappels sur les gestes barrières auxquels procèdent actuellement les directeur.rice.s régionaux.ales et départementaux.ales ne sont évidemment pas suffisants. Nous vous demandons de ne pas réitérer les erreurs du passé et de ne pas attendre la saturation des hôpitaux pour agir.

Les représentant.e.s de plusieurs organisations syndicales ont décidé de boycotter la précédente réunion du CTM et nous voici reconvoqué.e.s. Vous vous êtes offusqué de cette décision, mais vous n’avez évidemment pas cherché à en comprendre les raisons et surtout, vous n’avez rien changé dans la perspective de la réunion d’aujourd’hui qui ne va, à nouveau, pas nous permettre d’exercer nos mandats dans de bonnes conditions :

  • nous sommes réuni.e.s en visio, autour d’un ordre du jour pléthorique ;
  • nous n’avons pas été consulté.e.s sur l’ordre du jour et nous ne comprenons pas la hiérarchie que vous semblez établir entre les points inscrits officiellement et les points qui seront « abordés » ;
  • nous ne voyons toujours pas venir la réunion qui serait consacrée aux effectifs, avec un point aussi précis que celui de la note DGT sur l’inspection du travail, mais surtout avec des solutions pour pallier la situation actuelle dans les services qui est catastrophique ;
  • les documents transmis, au fil de l’eau, ne nous permettent pas de préparer sérieusement la réunion, tout particulièrement le « plan de transformation RH » qui ne comporte toujours aucune indication en terme de moyens mobilisés, pourtant indispensable en vue d’une analyse, a fortiori d’une appréciation ;
  • aucun des avis que nous rendons, même quand ils sont unanimement négatifs, ne sont suivis du quelconque effet ;
  • nous n’avons aucun retour quand vous vous engagez, en séance, à nous apporter des réponses, même quand il s’agit de sujets urgents, comme celui des restrictions incompréhensibles décidées par le Ministère de l’Intérieur à la diffusion des communications syndicales dans le cadre de la campagne électorale actuellement en cours et compliquée à mener ;
  • la réunion promise avec la DGT en compensation de son absence scandaleuse dans le cadre d’une réunion de cette instance, prévue sur 1,5 jours, a été reportée sine die et nous devons manifestement nous contenter de la réunion marathon proposée aujourd’hui ;
  • notre demande intersyndicale en vue d’une rencontre relative aux IET n’a fait l’objet d’aucune réponse ; pire, l’arrêté qui entérine la « Note du directeur » que plusieurs OS, dont la nôtre, ont dénoncé est paru le 23 novembre 2021, sans information de votre part et évidemment, sans aucune réponse à notre opposition, pourtant argumentée.

Nous avions donc de très nombreuses raisons de manifester notre ras-le-bol, à un an de l’expiration de notre mandat ! Et il serait préférable que vous vous dispensiez de feindre, à nouveau, de ne pas comprendre notre position.

Nous en arrivons à l’ordre du jour de cette réunion.

S’agissant du projet de loi de finances 2022, « un schéma d’emploi nul » est prévu pour la mission Travail-Emploi contre -221 ETP en 2021. Le plafond d’emploi est par ailleurs augmenté de 254 ETPT (ETP sur 12 mois) et porté à 8 058 ETPT au total. Les emplois viendront prioritairement renforcer les services mutations économiques et le contrôle du chômage partiel (210 ETPT). Après des années de baisse successive, c’est un tout petit pas en avant qui ne suffit évidemment ni à crier « Victoire ! », ni même à nous réjouir.

Ce petit pas en avant n’est pas un coup de baguette magique et il ne va évidemment pas suffire à résoudre les difficultés du quotidien – d’autant qu’en parallèle s’annoncent des « recalibrages » notamment à l’inspection du travail. Les postes ouverts aux concours (toutes catégories confondues) ne permettent pas, loin s’en faut, de compenser les pertes subies ces dernières années (-2,5% par an) et les nombreux départs à la retraite. Par ailleurs, interruption ne veut pas dire arrêt et rien ne va obliger le ministère à recruter à hauteur des postes laissés vacants dans tous les services. Même les postes ouverts aux concours ne sont pas tous pourvus – nous dénonçons d’ailleurs à cette occasion le scandale des postes non pourvus (au moins 11 postes sur 120, soit près de 10% des postes ouverts !), tout particulièrement ceux du concours interne de l’inspection du travail, alors même que de nombreux contrôleur.se.s du travail sont toujours sans solution pérenne, coincé.e.s dans un corps mis en extinction.

Il est également probable que le gouvernement ait recours massivement à l’emploi contractuel pour faire face à l’urgence découlant de sa politique du « quoi qu’il en coûte » dans le contexte sanitaire et des plans massifs de licenciements du secteur privé.

Nous considérons néanmoins que ce petit pas en avant constitue la preuve que rien n’est jamais écrit et que le gouvernement peut être contraint de revoir ses plans établis d’avance. La crise sanitaire n’y est certes pas étrangère, mais la pression constante exercée par l’ensemble des agent·es et les alertes incessantes des organisations syndicales, dont la CGT, sans doute pas non plus. Nous y voyons un encouragement à poursuivre pour faire en sorte que la tendance perdure et s’inverse définitivement ! Nous rappelons nos revendications dans ce cadre :

  • l’arrêt définitif des suppressions de postes ;
  • le rattrapage des pertes d’effectif subis ;
  • un plan de recrutement pour pourvoir les postes vacants et doubler les effectifs ;
  • la titularisation immédiate des agent·es contractuel·es.

S’agissant du « plan de transformation RH », nous redisons qu’il n’est pas assez précis pour que nous puissions nous prononcer, mais nous pointons d’ores et déjà les problèmes suivants :

  • s’agissant du plan de transformation de C en B : vous n’avez pas jugé utile de nous transmettre les données de diagnostic transmises à nos camarades côté Affaires Sociales, pourtant indispensables à la compréhension des rares chiffres que vous nous présentez aujourd’hui. Comme nos camarades nous les ont transmises, nous les avons croisées avec les chiffres d’aujourd’hui, malgré le caractère pénible et incertain de l’exercice. 1117 agent.e.s de catégorie C seraient identifiés comme promouvables côté Travail, sur un total général de 1297, selon la photographie transmise lundi. Première question : pourquoi exclure 14% des agent.e.s ? La mesure permettrait de promouvoir 40% d’entre elles.eux au cours des 5 prochaines années, soit 165 par an (périmètres Travail et Affaires Sociales confondus). Pourquoi ce chiffre ne nous a-t-il pas été communiqué ? Cette mesure catégorielle est-elle validée par Bercy ou non ? Si ce chiffre est confirmé, nous notons qu’il s’agit d’un pas en avant qui prouve que l’administration a pris conscience du problème, mais qu’il ne suffit pas. Pour nos services, vous entendez manifestement limiter les perspectives de promotion aux assistant.e.s de contrôle et aux agent.e.s des services des renseignements (qui sont déjà des agent.e.s de catégorie B pour la quasi-totalité d’entre eux.elles !!). Cette limite ne nous semble ni justifiée, ni acceptable. Nous revendiquons une ouverture de cette promotion par liste d’aptitude à tous les personnels de catégorie C promouvables statutairement. Les critères « d’exercice des missions relevant de la catégorie B » laissés aux mains des directeurs locaux vont créer des inégalités de traitement selon les sites. Et évidemment, le nombre prévu des promotions, certes en augmentation notable, est insuffisant, alors qu’il y a urgence, au regard de la pyramide des âges ;
  • votre plan ne comporte aucune mesure s’agissant du passage des agents de catégorie B en catégorie A et nos collègues Contrôleur.se.s du travail ne sont jamais mentionné.e.s, alors que nous vous interpellons sur leur situation, à chaque séance ; si on veut réellement développer les perspectives professionnelles des personnels B et C, il est bien évident qu’il faut également prévoir un déblocage des promotions de B en A ;
  • aucun détail, aucun chiffre n’est donné s’agissant de la revalorisation du corps de l’inspection du travail.

Nos revendications statutaires sont claires :

  • la promotion immédiate et sans condition des agent.es en sommet de grade des corps d’adjoint, SA et attachés, pour permettre la reprise de leur carrière ;
  • le déblocage immédiat des carrières des agent.es de catégorie B et C, coincés dans les premiers grades du fait des ratios de promotion bas ;
  • l’organisation d’un dispositif spécifique pour les agent.es de catégorie C  facilitant le passage dans les corps de catégorie A et B (SA, IT, attaché·es) avec un cycle préparatoire au concours ouvert sans sélection et un accès facilité à la formation continue ;
  • le passage immédiat de tou.tes les contrôleurs.ses du travail qui le souhaitent en inspecteur.ices du travail ;
  • enfin, un véritable plan de transformation d’emplois de C en B et de B en A sur le seul critère de l’ancienneté pour la reconnaissance des qualifications professionnelles.

Plus globalement, nous redisons que ce plan n’est pas à la hauteur des attentes de nos collègues, pourtant particulièrement fortes, dans un contexte de gel du point d’indice, de perte vertigineuse du pouvoir d’achat et de dégradation de nos conditions de travail.

Les questions salariales sont pourtant brûlantes et pèsent fortement sur « l’attractivité » de nos métiers, comme le déplore le ministère lui-même : difficultés à recruter, postes laissés vacants, recours massif aux contractuel.les, tant à l’emploi qu’au travail. 30 à 40 % des postes dans certaines régions  ne sont pas pourvus.  Pour les agent.es du Ministère, c’est la double peine, acculé.es par la charge de travail dans ce contexte de pénurie d’effectifs, les salaires dégringolent par l’effet de ces décennies d’austérité ! Sur ce point également, nous rappelons nos revendications, revendications qui ne visent pas à « transformer » la « ressource humaine », mais à nous garantir des conditions de vie et d’emploi décentes :

  • une augmentation immédiate de la valeur du point d’indice, et son indexation sur l’indice des prix à la consommation ;
  • la mise en œuvre d’un plan de rattrapage des pertes cumulées ;
  • la revalorisation des grilles indiciaires, notamment pour les métiers et filières à prédominance féminine ;
  • l’intégration des primes dans le traitement brut.

S’agissant de nos collègues contractuel.le.s, nous dénonçons à nouveau les problèmes récurrents de paie, l’exemple le plus récent étant celui de la DDETS 91 où nos collègues sont contraints de déposer des référés provisions ! Non seulement le Ministère du Travail – qui devrait pourtant être exemplaire – use et abuse des contrats précaires, mais il n’est même plus capable de les payer en temps et en heure ? C’est tout simplement inacceptable.

S’agissant de la situation en Corse et du contenu des notes DGT, nous ne répéterons pas ce que nous avons dit dans le cadre de notre précédente déclaration préalable, mais nous y reviendrons bien entendu dans la discussion, en présence impérative de la DGT. Nos tracts sur ces sujets essentiels sont à retrouver sur notre site. A ce jour, la seule « solution » au problème identifié des vacances de postes en Corse serait… la suppression de 3 sections en Corse du Sud et d’un section en Haute-Corse ! Nous refusons de croire que vous allez confirmer cette décision dans le cadre de la réunion d’aujourd’hui. Nous refusons de penser que dans la même réunion, vous allez annoncer la fin des suppressions de postes au Ministère du travail et la suppression de 4 sections d’inspection sur une seule région, soit 20% des effectifs. Si tel devait être le cas, ce serait bien évidemment un scandale absolu, une véritable agression pour nos collègues et nous en tirerons toutes les conséquences !

Nous souhaitons aborder un sujet supplémentaire en présence de la DGT, celui de la note de service publiée le 4 novembre 2021, intitulée « Réserve et discrétion professionnelle, Relations avec les médias » et diffusée à l’ensemble des agent.e.s d’Ile de France par le DRIEETS. Cette note ferait suite à des « évènements médiatiques [qui] ont mis en cause l’action de l’État et de la DRIEETS dans la mise en œuvre des politiques publiques dont elle a la charge ». Cette note rappelle très longuement les obligations de discrétion professionnelle et de réserve des fonctionnaires et elle évoque des enquêtes administratives qui seraient en cours, sans préciser les faits justifiant de tels rappels et de telles mesures. De notre point de vue, il s’agit d’une tentative d’intimidation, à grande échelle et à l’aveugle, totalement inacceptable. Nous vous demandons de nous informer sans délai des raisons qui ont motivé la publication de cette note et de la nature des enquêtes administratives en cours ou à venir.

Bien évidemment, nous soutenons les collègues qui dénoncent les dérives qu’il.elle.s observent, le cas échéant et nous continuons à dénoncer l’instrumentalisation de nos services à l’occasion d’opérations de contrôle conjointes, initiées par le Ministère de l’Intérieur dans le cadre de la politique qu’il mène contre un prétendu « séparatisme » dans un contexte politique qui fait le lit de l’islamophobie que nous combattons. Cette instrumentalisation de nos missions à des fins idéologiques et électoralistes, dénoncée il y a quelques mois par voie de presse, avait amené la DGT à publier une note précisant « qu’il n’était pas souhaitable que nos services participent à des opérations de contrôle ayant pour objet exclusif la lutte contre l’islamisme et le repli communautaire ». Non seulement cette note est insuffisante puisqu’elle est contournée dès qu’il s’agit d’opérations estampillées « Codaf », mais encore, elle n’est tout simplement pas respectée dans certains départements, de plus en plus aux ordres des Préfet.e.s dans le cadre de l’OTE. Des réponses précises doivent nous être apportées et la note du 16 février 2021 doit être revue : dans la quasi-totalité des cas, nos services n’ont rien à faire dans ces opérations.

Sans transition, deux sujets supplémentaires nous semblent devoir être abordés dans le cadre de cette réunion, malgré son ordre du jour d’ores et déjà intenable :

  • faute de réponse à nos précédentes interventions, un point relatif à l’INTEFP ;
  • face au chaos observé dans les services, un point relatif aux outils informatiques (après Mélanie, c’est Noémie qui fait s’arracher les cheveux à nos collègues en DDETS… au bout d’un moment, il ne faudra pas vous étonner si des postes informatiques sont jetés par les fenêtres !).

Enfin, nous conclurons notre déclaration par un message de soutien à nos collègues de Guadeloupe et de Martinique, en lutte aux côtés de la population. La colère qui s’exprime est justifiée ; elle doit être entendue et des solutions justes doivent être apportées.