Déclaration des élu·es CGT au CTM du 12 mars 2019

Monsieur le directeur des ressources humaines,

au ministère du travail, c’est la grande braderie qui s’annonce, dans le cadre des différents projets portés par le gouvernement.

Mutualisation des services supports en préfecture avec transferts des missions, des postes et des agent·es, fusion des DIRECCTE et des pôles Cohésion sociale des DRJSCS dans une nouvelle entité, menaces des préfectoralisation des services départementaux et de suppression des unités départementales… Rien ne doit être épargné !

La suppression de la DIECCTE de Guyane est actée, sans aucune information préalable des syndicats, sans que l’on sache ce que va devenir l’inspection du travail dans la nouvelle organisation locale. Sans état d’âme, la ministre annonce pour sa part aux DIRECCTE l’externalisation de plusieurs missions et mesures qui réduiront feues les DIRECCTE au strict minimum et la poursuite des suppressions de postes, les 1000 recrutements promis ne masquant pas les 2000 suppressions d’emplois envisagés d’ici 2022.

En guise de cadeau surprise, la ministre annonce que l’inspection du travail, dont on ignore quelle sera la place dans le nouveau schéma d’organisation, va subir un nouveau carnage : avec l’objectif d’une section pour 10000 salarié·es, c’est 15% de sections en moins par rapport à 2017 et l’assurance de conditions de travail dégradées et des contrôles en moins pour les patrons. Les travaux pratiques commencent d’ailleurs déjà avec l’annonce par la DIRECCTE de la suppression de 28 sections en Grand-Est (après 24 il y a deux ans) ainsi qu’un taux d’un·e secrétaire pour quatre voire cinq agent·es de contrôle !

Cette saignée est confirmée par le DGT lui-même dans la lettre qu’il a adressée aux agent·es de l’inspection du travail le 5 mars dernier : « les perspectives d’évolution des effectifs décidées par le gouvernement […] induiront nécessairement des redécoupages ».

Cette lettre, disons-le clairement, a profondément choqué dans les services. Car en plus d’annoncer un nouveau plan social, le DGT exerce un odieux chantage à la suppression des sections territoriales et généralistes si les collègues ne se soumettent pas à la programmation des actions de contrôle et aux objectifs chiffrés. Il les rend responsables de la mise en péril de l’institution, promet de traquer les « comportements qui font obstacle », menace de sanctionner les agent·es si ils ou elles continuent à avoir une pratique professionnelle plus en phase avec les exigences du terrain et à répondre à la « demande sociale » (toujours entre guillemets dans le texte), réduite à portion congrue. Cette conception de l’inspection du travail est aux antipodes de la nôtre : pour notre part, nous la voulons au service des travailleurs et des travailleuses et refusons qu’elle soit l’instrument des priorités décidées par la ministre. Car c’est bien elle qui décide du niveau des effectifs et de l’organisation – pas l’activité des agent·es ni leur saisies dans Wiki’T.

Qu’importe, elle continue de presser le citron en exigeant toujours plus de chiffres. Le projet de note sur l’évaluation de l’inspection du travail que vous produisez devant ce CTM, ou la mission demandée à M. Calvez, ex n°2 de la DGT, reflètent cette obsession : faire plier à tout prix les agent·es à vos objectifs, faire taire les critiques, assimiler les actes de résistance et de défense des collègues à la violation de règles de déontologie que l’administration seule a édictées, modifier le recrutement de l’inspection du travail pour la rendre plus docile et soumise à vos exigences.

Le gouvernement a compris qu’en plus de sabrer le service public, il fallait affaiblir les fonctionnaires et leurs syndicats : c’est le sens du projet de loi qu’il a présenté le 13 février. Il canarde dans tous les sens : suppression des CHSCT, réduction des prérogatives des CAP qui n’examineront plus les mutations et les promotions, élargissement du recours au contrat y compris pour les emplois statutaires, création d’un CDD de projet de six ans, création de nouvelles sanctions disciplinaires, instauration de la rupture conventionnelle pour les fonctionnaires et les non-titulaires, mesures d’accompagnement en cas de suppression de poste (y compris vers la sortie), détachement d’office en cas de transfert de mission, révision des règles sur la négociation pour avoir des accords dérogatoires comme dans le privé… C’est un plan social de taille XXL conçu pour contraindre les agent·es à accepter n’importe quel emploi, une attaque en règle contre notre statut, et un coup porté aux capacités pour nos collègues de se défendre.

Pas question évidemment d’augmenter le point d’indice qui serait gelé jusqu’en 2022… Nous faisons pourtant tourner dans les services une pétition que les collègues signent massivement pour obtenir les 1000 euros que Mme Pénicaud prône dans le secteur privé et une renégociation à la hausse de nos grilles indiciaires. Nous vous remettons dès aujourd’hui plus de 700 signatures provenant d’une vingtaine de départements.

Bien sûr, vous n’avez pas proposé spontanément d’évoquer ces points lors de CTM : il a fallu qu’une majorité de ses membres vous le demande. Mais vous saisissez lamentablement l’occasion pour reporter les points prévus sur l’égalité professionnelle et le baromètre social. Or le choix des restructurations incessantes des services et des missions vous incombe à la seule administration. Il est légitime que les représentant·es du personnel demande des informations et croyez bien que nous aimerions parler d’autre chose. Mais nous n’opposons pas les sujets et n’acceptons pas que l’égalité professionnelle et la santé des agent·es soit sacrifiées sur l’autel de l’austérité.

Nous rappellerons donc qu’à l’occasion de la journée internationale de lutte des droits des femmes, le 8 mars, notre syndicat a participé à une campagne intersyndicale avec SUD et la CNT qui a cherché à mettre en lumière le bilan accablant du ministère du travail en matière d’égalité.

Alors que la ministre se vante d’avoir mis en place l’index de rémunération dans les entreprises de plus de 1000 salarié·es, celui du ministère du travail est proche du zéro pointé. En 2016, les écarts de primes au détriment des femmes sont considérables (28% de moins dans les DIRECCTE hors Île-de-France, 18% de moins en Île-de-France, 23 % de moins en administration centrale). Que fait la ministre pour les résorber ? Rien puisqu’aucune enveloppe n’est prévue ne serait-ce que pour réparer les écarts constatés. En 2017, le ministère nous avait donné raison quand nous avions dénoncé la proratisation du CIA versé au titre de l’année 2016 pour les agent·es à temps partiels et le caractère discriminatoire d’une telle mesure concernant à 90% des femmes… mais n’en avait tiré aucune conclusion en terme de réparation.

Quant aux emplois à temps partiels, il n’est jamais question d’adapter la charge de travail : on demande donc aux femmes de travailler gratuitement pour un même travail, ou d’être plus productives à salaire égal.

Plus on monte dans la hiérarchie, plus les postes sont occupés par des hommes. Quand on fait remarquer à la DRH que le ratio d’agent·es promu·es est défavorable aux femmes, on nous répond gentiment que « seules les compétences entrent en ligne de compte »… ce qui veut dire que selon la DRH les femmes sont moins douées que les hommes. Quant aux collègues de catégorie C, à 85% des femmes, elles attendent toujours la publication des ratios de promotion d’AAP2 en AAP1 et le déblocage de leurs carrières.

Enfin, le ministère s’est illustré par une action de communication désastreuse le 25 novembre dernier au travers d’un quizz entérinant des comportements ouvertement sexistes. Aucun rectificatif n’a été produit malgré nos alertes…

Nous vous l’avons dit : nos collègues ne veulent pas de vos projets, ils et elles l’ont massivement signifié lors des dernières élections. La politique que nous dénonçons, elle sert le patronat et les plus riches parmi les riches : une récente étude de l’Institut des politiques publiques montre que les budgets 2018 et 2019, conçus pour tailler dans les services publics et les aides sociales, ont permis une hausse de 17,5% du revenu des 0,1% les plus riches !

Mais elle produit aussi du désespoir : comment expliquer autrement la nouvelle vague de suicides et tentatives de suicides au sein de notre ministère, qui avec 6 suicides pour 9 000 agent·es l’an passé, connaît un taux bien supérieur à celui de la population générale ? Nous ne cessons de vous alerter, mais vous êtes décidés à avancer quels qu’en soient les dégâts humains et aucune politique de prévention n’est présentée. Et pour cause : elle exigerait d’en finir avec vos réformes, dont nous continuons à revendiquer le retrait. Le refus de déclencher une enquête paritaire sur la récente tentative de suicide d’un IET est de ce point de vue un pur scandale.

Pour notre part, nous contribuerons activement à ranimer l’espoir, à ce que la colère sociale qui s’exprime avec constance dans le mouvement des gilets jaunes depuis quatre mois s’étende et puisse, y compris au sein du ministère du travail, s’inscrire dans la durée. C’est en ce sens que notre syndicat appelle avec SUD, FO et la FSU, les collègues du ministère à cesser le travail le 19 mars de manière massive contre la folie destructrice du président des très riches, pour la défense du service public et du statut des fonctionnaires.