Résultats du questionnaire sur les violences sexuelles et sexistes au travail : une nécessité d’agir au sein même de notre ministère !

Nos organisations syndicales ont lancé en novembre dernier une campagne contre les violences sexistes et sexuelles subies par les femmes au ministère du travail. Le constat : si l’omerta se brise peu à peu dans le débat public, les victimes restent nombreuses, et aucune réaction satisfaisante n’est exprimée par le gouvernement.

Concernant notre ministère : aucun élément statistique précis sur la question, notre direction n’ayant jamais jugé pertinent de diligenter des enquêtes sur le sujet. Nous avons donc décidé de donner la parole aux femmes, à travers un questionnaire mis en ligne (dont vous pouvez également voir les résultats complets, hors témoignages) : pour permettre à chacune de s’exprimer, faire un état des lieux, montrer que nos services ne sont pas épargnés et que des mesures de prévention doivent être prises ici comme ailleurs.

Il s’agit par ce biais pour nos syndicats de traiter et prendre en charge cette question professionnelle, sociétale et politique des violences subies par les femmes.

Que révèlent les réponses au questionnaire ?

Signe que la question intéresse et interroge : 564 réponses ont été apportées au questionnaire.

En outre, au-delà des réponses apportées aux questions, de nombreux témoignages précis ont été recueillis. Ces témoignages, que nous avons fait le choix de ne pas publier pour garantir l’anonymat des répondantes, mettent en lumière des situations de sexisme décomplexées et l’existence d’agressions sexuelles, dans les services mais aussi à l’INTEFP.

Sur les agissements sexistes dans nos services ?

Près de 70% des agentes répondent qu’elles entendent ou ont entendu des blagues sexistes ou sexuelles de façon récurrente.

47,8% des agentes se sont vues imposer des propos sur leur apparence ou leur vie personnelle qu’elles ne souhaitaient pas entendre.

72,5% des agentes déclarent avoir déjà entendu des préjugés sur les femmes.

Ces chiffres, équivalents à ceux que l’on retrouve dans les enquêtes plus larges (1) , montrent que le sexisme est présent de façon importante dans notre Ministère, comme ailleurs.

Si certaines agentes affirment que les propos entendus sont dits sur le ton de la plaisanterie, sans malveillance et sans que cela ne les dérange, la plupart des répondantes témoignent de propos récurrents et dévalorisants en raison de leur sexe :

  • jugements et commentaires sur l’apparence physique : de la part d’un chef, « j’aime bien que tu viennes me voir avec une mini-jupe », « ben dis donc t’as une jupe ras la moule » ; de la part d’un Directeur de stage : « je vais prendre la nouvelle stagiaire, celle qui a de jolis yeux » ;
  • préjugés sur le rôle et les compétences des femmes : « c’est aux femmes de faire le café », « une femme avec des enfants en bas âge nepeut pas être disponible pour le travail », « tiens, puisque tu es la seule femme présente, tu feras le compte-rendu du groupe de travail », « lesfemmes ont l’intelligence dans leur soutien-gorge », « t’es pas trop conpour une gonzesse », un chef de service qui se dit dévalorisé den’avoir que des femmes dans son service… ;
  • surnoms dévalorisants : « pompom girls » pour désigner les agentes, « ma belle », « petite nana »… ;
  • plusieurs témoignages sur le fait que lorsqu’on s’offusque de blagues ou propos sexistes, on a invariablement droit à des remarques supplémentaires surnotre manque d’humour, ou le fait qu’on serait coincées, ou que la réaction est disproportionnée ou violente.

Sur les violences sexuelles ?

5 % des répondantes indiquent que la pornographie est présente sur leur lieu de travail.

25,6 % des agentes ont déjà vécu une ou plusieurs situations d’attitudes insistantes et gênantes (« Le directeur de l’époque m’a proposée de coucher avec lui pour devenir inspecteur du travail »), et 21,7% d’entre elles signalent que quelqu’un a eu envers elles des gestes non désirés.

20 % des agentes témoignent avoir été victimes d’avances sexuelles non souhaitées.

53 agentes déclarent avoir subi des attouchements sur les seins, les fesses ou les cuisses, dans le cadre de leur travail : « J’ai été victime d’une agression sexuelle sur mon lieu de travail, de la part d’un collègue qui m’a plaquée un soir contre le mur du bureau, m’a caressée et a essayé de m’embrasser ; « un DA m’a embrassée sur la main puis est remonté jusqu’à l’épaule alors que j’étais au tél avec un usager ».

3 agentes déclarent avoir subi un viol.

Ces chiffres et les témoignages très nombreux recueillis ne peuvent être regardés comme négligeables ; ils doivent amener le ministère à définir enfin une véritable politique de prévention afin que les femmes cessent de subir de telles violences dans le cadre de leur travail.

Sur leur traitement et les suites données au sein de nos services ?

Il ressort des réponses que dans la majorité des cas, malgré les conséquences sur leurs conditions de travail et leur vie personnelle, les agentes se taisent (33,5% n’en ont parlé à personne au sein des services, et seulement 13,7 % en a informé sa hiérarchie) ; elles ne demandent pas le bénéfice de la protection fonctionnelle (elle n’a été mise en œuvre que dans 2,8% des cas), et ne déclarent pas
d’accident de service (c’est le cas de 99,1% des répondantes), par crainte sans doute de ne pas être entendues et/ou par méconnaissance de leurs droits.

Et quand elles le font… elles notent l’absence de réaction des directions contre les auteurs des agissements. En effet, seules 2,8% des agentes déclarent que les agissements qu’elles ont subis ont donné lieu à sanction disciplinaire de leur auteur.

Enfin, les agentes estiment, dans leur grande majorité, à près de 67,5%, qu’elles sont insuffisamment informées par le Ministère sur leurs droits et démarches.

Il est temps de combattre pour nos droits !

Nos syndicats exigent l’application immédiate dans nos services des textes existant dans la fonction publique (2) , et revendiquent en particulier :

  • des notes de service précisant les procédures à suivre si un cas de sexisme ou de harcèlement survient, incluant une enquête, traitée sans retard en cas de plainte ainsi que des sanctions si les agissements sont établis ;
  • la formation des agent.es à ne plus subir et à dénoncer ces propos et agissements, par des associations féministes ;
  • la formation adéquate des responsables hiérarchiques, par des associations féministes ;
  • lagarantie pour les victimes de bénéficier de protections : soutien et, si nécessaire, aide à leur maintien et leur retour dans l’emploi ainsi que, en premier lieu, protection de leur plainte ou témoignage ;
  • l’effectivité de la protection fonctionnelle dans les cas de harcèlement sexuel ;
  • une politique de prévention à soumettre au CHSCT ;

Et l’affirmation sans concession que le sexisme est une violence faite aux femmes qui ne sera aucunement toléré dans les services !

Pour agir contre ces violences, nos organisations syndicales ont par ailleurs décidé de mettre en place un réseau de syndicalistes référentes sensibilisées sur ces questions, que vous pouvez saisir au besoin (pour un conseil, un soutien, une demande d’intervention…).

L’action contre les violences faites aux femmes au travail fait partie de nos missions : nous revendiquons des moyens !

Et dans les entreprises, qu’en est-il de la situation des femmes ? A la suite de la formidable libération de la parole des femmes à laquelle nous avons assisté à l’automne dernier, le gouvernement s’est vu obligé d’annoncer que la lutte contre les violences faites aux femmes
serait une priorité nationale en 2018, et a lancé, à grand renfort médiatique, le 5ème plan interministériel de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes 2017-2019.

Parmi les mesures listées dans ce plan, figure pour nos services, la formation et/ou sensibilisation des agent.es de contrôle, sur la question des agissements sexistes et du harcèlement sexuel.

Cette mesure, si elle est pour nous indispensable (nos organisations syndicales l’ont d’ailleurs revendiqué dans la lettre ouverte adressée à la ministre en octobre dernier – lettre restée à ce jour sans réponse), risque pourtant de s’avérer insuffisante et rester de l’ordre du pur affichage si elle se limite à des actions de sensibilisation à destination des agent.es.

Il est en effet indispensable que les agent.es de contrôle soient formé.es tant en matière de traitement des plaintes que de méthodologie
d’intervention et d’enquête sur les cas de violences sexistes et sexuelles au travail, et que l’INTEFP construise en urgence un réseau de formatrices et formateurs sur le sujet, formés par des professionnel.les de référence, telle que l’association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT).

Une formation/sensibilisation doit également être dispensée à tout.es les agent.es au contact du public, et placé.es en situation d’accueillir des
femmes victimes de harcèlements et agressions sexuelles et de recueillir des plaintes (accueil, services de renseignements, services emploi…).

En plus de ces exigences de formation des agent.es, nos organisations syndicales demandent un plan d’actions ambitieux, intégrant au moins les points suivants :

  • amélioration de la coopération des services sur ces questions avec ces professionnel.les et associations spécialisées et institutionnaliser ces partenariats ;
  • renforcement de l’expertise des agent.es des services, notamment en diffusant des documents juridiques, d’information et de méthode, des annuaires, etc. comme cela se fait sur l’ensemble des autres sujets et en désignant, au niveau national et/ou régional, des agent.es formé.es pouvant être des appuis sur ces problématiques ;
  • extension des prérogatives et moyens d’actions des inspecteur.rices du travail : possibilité de notifier en propre des mises en demeure pour non-respect par l’employeur des principes généraux de prévention ; pouvoir d’imposer une expertise par le biais d’une mise en demeure ; possibilité en cas de saisine d’une plainte circonstanciée de soustraire les salariées pour lesquelles un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique ou morale existe…

Enfin, parce qu’il est totalement illusoire de prétendre renforcer la mobilisation et la lutte contre les violences faites aux femmes au travail dans le contexte actuel de suppressions massives de postes, nos organisations syndicales revendiquent l’arrêt du plan social en cours au sein du ministère du travail, et exigent des recrutements à hauteur des besoins des usagers et usagères.

(1) Notamment l’enquête du CSEP sur le sexisme de 2016 : http://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/category/publications-csep/

(2) Protocole d’accord de 2013 relatif à l’égalité professionnelle femmes-hommes, circulaires du 4 mars 2014 relative à la lutte contre le harcèlement et du 22 décembre 2016 relative à l’égalité professionnelle ; la DGAFP va très prochainement publier une nouvelle circulaire « Lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans la fonction publique », accompagnée de fiches-réflexes sur la lutte contre le harcèlement sexuel

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Voir les résultats complets du questionnaire (hors témoignages)