Grand Marché Transatlantique et droit social : la grande régression

Depuis le 8 juillet 2013, les Etats européens ont confié à la Commission européenne un mandat de négociation pour la mise en place d’un Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement (TTIP en anglais) d’abord appelé Grand Marché Transatlantique (TAFTA en anglais).

Négocié dans le plus grand secret et la plus grande opacité sans aucune communication publique du mandat de négociation européenne, et initié par les patrons des multinationales, l’administration américaine ainsi que les dirigeants européens libéraux dont les sociaux démocrates, ce projet vise à une libéralisation réciproque du commerce des biens et services.

Le Grand Marché Transatlantique (GMT) prévoit le démantèlement de toutes les entraves à la libre circulation des capitaux, des biens, des services et des personnes entre l’Union Européenne et les Etats-Unis. Le GMT doit organiser la disparition des barrières tarifaires (droits de douane) et non tarifaires (normes sociales, environnementales, sanitaires, du travail, etc.).

La droite européenne (PPE dont font partie les eurodéputés UMP), comme les sociaux-libéraux européens (PSE dont font partie les eurodéputés PS) ainsi que le MEDEF soutiennent sans réserve le GMT.

Impossible d’y échapper !

Ce projet vise à aller beaucoup plus loin que les accords de l’OMC. Ce n’est donc pas un simple accord bilatéral de libre échange. Son contenu a des implications globales.

Il ne se contente pas d’affirmer et d’organiser la levée des « obstacles » en matière de réglementation et de normes de façon à favoriser dans tous les domaines (Agriculture, Energie, Culture, Services publics, Industrie…) l’ouverture à la concurrence, le projet organise un système juridique global de contraintes et de principes au profit des firmes privées afin de faire respecter l’accord.

Une « justice » privée pour les firmes privées

Il est, entre autres, prévu dans l’accord de confier les litiges entre Etats et firmes privées à un tribunal arbitral. Ce mécanisme permet aux entreprises privées (groupes industriels et financiers) d’entamer des actions contre les pouvoirs publics (Etats, Régions, Départements, Municipalités, services publics) en dehors des institutions judiciaires, enlevant ainsi à nos tribunaux le pouvoir de trancher les conflits notamment sur les législations et réglementations sociales. Un tribunal arbitral est composé de personnes privées choisies par les parties, délibérant en secret et dont les décisions sont sans appel.

L’intérêt des grands groupes passera avant l’intérêt des travailleurs et de l’intérêt général. Le code du travail, à n’en pas douter, représente un obstacle qu’il conviendra de lever.

Les normes sociales « obstacles » à la liberté du commerce

Dans le cadre des négociations entre Etats-Unis et Europe sur les barrières non-tarifaires nommées comme telles par les négociateurs (en fait toutes les normes techniques) les différences de conceptions et de philosophie des normes n’est absolument pas pris en compte dans ce projet.

Les Etats-Unis, qui n’acceptent aucun traité contraignant, n’ont pas ratifié les normes fondamentales du travail de l’OIT. Une appréciation différente des normes du coté Américain et du côté Européen est notable :

– en Europe, l’évaluation des risques s’organise avant l’accident, avant la mise en place de la réglementation, ou la mise sur le marché du produit ;

– aux Etats-Unis, l’évaluation se réalise après l’événement et s’organise sur les conséquences de celui-ci. Il faut prouver le caractère néfaste du produit et ses conséquences par la voie judiciaire (class action, indemnisation pécuniaires). Les implications sur la santé et sur les conditions de travail sont ignorées aux Etats-Unis.

Il s’agit bien de deux choix de protection très différents. L’affaiblissement des normes de protection est donc sérieusement à l’ordre du jour de ce traité puisque l’objectif est d’abaisser la normalisation la plus contraignante pour les firmes voire de la supprimer.

C’est donc l’ensemble du code du travail dans ses aspects les plus protecteurs qui sera mis en cause par l’application des principes du traité (obstacles à la liberté du commerce et de l’échange) et de son mécanisme de règlement des conflits entre Etats et investisseurs.

La liberté de circulation des personnes n’est envisagée que sous l’angle économique du profit rapporté, soumise à la règle du pays d’origine. L’exploitation de la main d’œuvre et la compétition entre les travailleurs sont les règles.

Pire, il est question que l’accord « mettra en place une structure institutionnelle en vue de garantir un suivi efficace des engagements découlant de l’Accord ainsi que pour promouvoir la réalisation progressive de la compatibilité des régimes réglementaires ». Cette institution supranationale aura-t-elle la compétence d’édicter des normes nouvelles échappant au contrôle démocratique et des syndicats de travailleurs ?

Au final, le traité instaure une panoplie d’obligations et de contraintes sur l’aspect économique que les Etats devront respecter mais des simples souhaits sur les aspects sociaux.

L’Union européenne, de son coté, a déjà préparé le terrain à une libéralisation intense en matière sociale. La Commission adresse des recommandations qui demandent la libéralisation et la remise en cause du droit du travail.

Les arrêts de la Cour de Justice de l’Union européenne (arrêts Viking, Laval, Rüffert, Commission contre Luxembourg) place le marché et la concurrence sans limite au dessus de toutes les autres normes et subordonnent le droit social aux lois du marché. Les règles nationales (la négociation collective et l’action collective), les règles qui établissent des standards salariaux deviennent, dans leurs rapports avec les règles communautaires du marché des exceptions. Ces règles ne s’effacent pas mais dans un conflit avec les règles de principes énoncées par la Cour, elles doivent être justifiées.

Avec le GMT, qui deviendra peut-être un traité intégré aux droits nationaux, les meilleures garanties seront confirmées au niveau des échanges Etats-Unis-Europe pour les entreprises débarrassées des obstacles des réglementations nationales jugées contraignantes.

Le programme du GMT se résume finalement à :

– la baisse, voire la disparition des obligations sociales, sanitaires, environnementales et culturelles ;

– une liberté d’investir pour les firmes multinationales sans contrainte quelconque et une liberté d’exploiter la main d’œuvre sans limite ;

– des normes édictées par le privé, pour le privé.

Nous n’avons pas d’illusion sur la volonté de la commission et des négociateurs européens face aux Etats-Unis. Leurs efforts sont concentrés sur la mise en cause des droits et garanties sociales telles qu’elles sont consignées dans les droits du travail et conventions collectives de chaque pays.

En revanche, nous sommes certains que la mobilisation des travailleurs et des peuples pourra faire échouer cet accord souhaité par les multinationales et les capitalistes.

Pour la CGT, il est important de faire avancer le front du refus de ce texte.
Arrêt immédiat et définitif des négociations en cours !
Aucun traité de partenariat transatlantique !

Paris, le 16 janvier 2015

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