5 bonnes raisons de se retirer de son entretien professionnel en 2019 (tract CGT-SUD-CNT)

Nos organisations syndicales refusent l’individualisation, l’isolement et la concurrence entre agents et appellent les agents à se retirer des entretiens professionnels, au moyen de la lettre-type jointe ou par toute autre modalité débattue en assemblée générale.

1/ L’entretien professionnel nuit aux collectifs de travail et à la santé

Il est démontré que la fixation d’objectifs et l’évaluation individuelle des performances nuisent à la santé. Cette procédure arbitraire et injuste est source de discriminations, renforce les angoisses, désorganise les solidarités et détruit la confiance au travail. De manière honteuse, la DGT a remis en place des objectifs chiffrés individuels qui augmenteront le stress et la pression sur les collègues. Ces objectifs chiffrés individuels avaient pourtant été suspendus en 2012 suite aux suicides de nos collègues Luc Béal-Rainaldy et Romain Lecoustre.

2/ Les ratios de promotion sont très faibles

Évaluation ou pas, les promotions dans le grade ou le corps supérieurs sont toujours données au compte-gouttes : pour le personnel de catégorie C il a été divisé par 2 ! L’opacité est toujours de mise dans le choix des agents à promouvoir, laissé au bon vouloir des directions.

3/ Les suppressions de postes et les réorganisations continuent… et s’aggravent

– 1000 : c’est le nombre de postes que la ministre va supprimer d’ici 2022. Dans le cadre de CAP 2022, elle s’apprête à annoncer les missions qu’elle veut faire disparaître (sans tabou aucun puisqu’il est même envisagé de supprimer les sections d’inspection du travail. Cyniquement, les directions en appellent à la solidarité ou à l’entraide, alors que les besoins sont criants pour accueillir le public et traiter les dossiers. Pour les agents à temps partiels, surtout des femmes, c’est la double peine puisque la charge de travail n’était déjà pas adaptée. Avec l’entretien professionnel, on est évalué sur le travail fourni alors que le ministère ne nous donne pas les moyens de rendre un service de qualité, et on est rendu responsable de cette situation !

4/ Nos salaires n’augmentent pas

Avec le RIFSEEP, la part variable de la rémunération est plus que jamais utilisée comme carotte ou bâton. Le montant du CIA est décidé de manière discrétionnaire avec des quotas d’agents « bons » ou « moins bons ». Quelle que soit l’évaluation individuelle, les montants versés ont été différents d’une région à l’autre, d’une catégorie à l’autre. Il est décidé d’augmenter de 400 euros le montant de l’IFSE pour les seuls RUC (voire de 1100 euros pour certains, avec rétroactivité) alors que certains agent.es attendent toujours la revalorisation de leur prime à l’occasion d’un changement de groupe ! Dans le contexte du gel du point d’indice, c’est une véritable provocation.

5/ Aucune reconnaissance statutaire

Les adjoints sont méprisés par l’administration et n’ont aucune perspective de promotion de grade ou de corps, la complexification des tâches n’est accompagnée d’aucune revalorisation statutaire. Pour les contrôleurs du travail, le CRIT tel qu’il est organisé continue à produire ses effets délétères et anxiogènes du fait du nombre restreint de lauréats.

6/ Des recours non traités par l’administration

De plus en plus d’agent.es forment des recours à l’encontre de leur compte-rendu d’entretien professionnel. L’administration doit consulter la CAP avant de rendre sa décision. Or, le traitement de ces recours est un véritable scandale, l’administration refusant de trancher les litiges, renvoyant dos-à-dos l’agent et son supérieur hiérarchique…

Retirons-nous des entretiens professionnels !

Depuis sa mise en place, nos organisations syndicales n’ont pas manqué d’alerter le ministère sur la souffrance que génère ce dispositif parmi les collègues. Nous refusons l’approche comptable et la perte du sens de nos missions. Nous revendiquons notamment :

  • l’abandon de tous les objectifs chiffrés et de la politique d’évaluation par objectifs ;
  • l’arrêt des suppressions d’emploi et de missions, des mutualisations, des disparitions de sites, des externalisations, des réorganisations visant à gérer la pénurie et le recrutement d’agents statutaires permettant de compenser les suppressions consécutives de ces dernières années ;
  • l’arrêt de la dévalorisation et de la mise en concurrence des agents comme mode de relation hiérarchique.

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Entretien avec Christophe Dejours, titulaire de la chaire de psychanalyse santé-travail du CNAM, pour le magazine Entreprise & Carrières (extraits)

E & C : Quelles sont les principales causes de l’augmentation de la souffrance au travail?

Dejours : L’apparition de nouvelles formes d’organisation du travail est la principale explication et, tout particulièrement, l’introduction de l’évaluation individualisée des performances. Ensuite, viennent des causes secondaires : les contraintes de la qualité totale, la précarisation du monde du travail…

E & C : Pourquoi êtes-vous si critique envers les systèmes d’évaluation ?

Dejours : L’évaluation individuelle a été rendue possible par l’informatique, qui a pris place dans nos vies à une vitesse impressionnante. Les ordinateurs sont comme des boîtes noires, ils enregistrent tout, ce que vous faites ou ne faites pas, vos erreurs… Cette évaluation individuelle met les salariés en concurrence les uns avec les autres, et elle a été poussée très loin. Elle entraîne des pressions très fortes, surtout sur les salariés en position instable. Les entreprises utilisent également beaucoup la menace de passage à la sous-traitance pour exiger des performances de plus en plus élevées.

A partir du moment où on a introduit des primes, les salariés ont adopté des conduites déloyales, fait de la rétention d’informations ou même nui à leurs collègues. Le tissu de confiance et d’entraide a été déchiré au profit du chacun pour soi. Les solidarités ont fondu. Les syndicats sont très déstabilisés par ce lien social affaibli, beaucoup plus que par la chute du Mur de Berlin. Mais, si les salariés acceptent ces pratiques lâches ou de se faire maltraiter, il ne faut pas s’étonner de la multiplication des dépressions et des pathologies de la solitude.

Certes, les salariés ont réclamé ces évaluations individuelles. Ils pensaient qu’elles seraient plus justes que l’avancement à l’ancienneté ou à l’appartenance syndicale, mais ils se sont fait piéger. Ces évaluations sont fausses et arbitraires, car il n’est pas possible d’évaluer quantitativement et objectivement le travail. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si certaines entreprises reviennent sur ce système.

Entreprise & Carrières, semaine du 27/11 au 03/12/2007


Guide DGT « LES RISQUES D’ATTEINTE A LA SANTÉ MENTALE – Repères pour l’action de l’Inspection du travail » (septembre 2009)

Introduction page 3 : « La question de la santé mentale au travail résulte des évolutions du travail depuis plusieurs décennies : précarisation de l’emploi et des statuts, intensification des rythmes de travail, individualisation de l’organisation du travail, de la gestion des carrières et des rémunérations, évolution des modes de management, marges de manœuvre individuelles réduites, …Ces bouleversements font peser sur les collectifs de travail et plus encore sur les individus des contraintes croissantes, qui ont contribué à l’émergence des « risques psychosociaux ». »